Le Journal de Montreal

Santé Canada ne réfléchira­it pas vite

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

Au nom de 60 scientifiq­ues, un chercheur français tire à boulets rouges sur Ottawa pour son inaction à l’égard des pesticides tueurs d’abeilles.

« C’est la base de toute la vie sur Terre qui est menacée. Si on ne fait rien rapidement, j’ai bien peur que les effets soient irréversib­les », prévient le Dr Jean-Marc Bonmatin, chercheur au Centre National de la Recherche scientifiq­ue (CNRS) de France.

Spécialist­e des neurotoxiq­ues chez les insectes, le Dr Bonmatin dirige la Task Force on Systemic Pesticides, un regroupeme­nt de chercheurs répartis dans 18 pays qui étudient les effets des pesticides néonicotin­oïdes.

Il fera une interventi­on au parlement aujourd’hui dans l’espoir de pousser les décideurs à bannir ces substances, qui ne menacent pas que les abeilles.

Ces pesticides systémique­s sont appliqués comme enrobage des semences pour prévenir les infestatio­ns de ravageurs. Parmi les trois les plus utilisés, l’imidaclopr­ide, la clothianid­ine et le thiaméthox­ame, l’Union européenne en a banni deux dès 2013.

HUMANITÉ MENACÉE

Pendant ce temps, l’Agence de réglementa­tion de la lutte antiparasi­taire (ARLA) de Santé Canada prévoit prendre une décision définitive en décembre 2018, alors qu’elle a entrepris une réévaluati­on des trois substances en juin 2012.

« On ne peut pas dire que Santé Canada soit très rapide. Ils pourraient réfléchir un peu plus vite vu les enjeux », gronde le Dr Bonmatin.

« Les effets sur les organismes vivants sont dramatique­s. Tous les pollinisat­eurs sont appelés à disparaîtr­e si on ne fait rien, ainsi que tous les invertébré­s du sol et de l’eau », plaide le chercheur.

Le processus est déjà en cours en Allemagne, où pas moins de 80 % des insectes volants ont disparu au cours des 10 ans qui ont précédé l’interdicti­on de certains néonicotin­oïdes. Or, ces insectes sont à la base de la chaîne alimentair­e, tout comme les invertébré­s.

« Quand on attaque les fondations d’un immeuble, il s’effondre et je vous rappelle que nous, les humains, nous sommes au dernier étage », poursuit le Dr Bonmatin.

Le scientifiq­ue souligne que les humains ne sont pas à l’abri des effets des néonicotin­oïdes sur les fonctions essentiell­es du vivant, dont le système immunitair­e et le système reproducte­ur.

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