Le Journal de Montreal

Fournier, le haïssable

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Partira ? Partira pas ? Tous les yeux seront tournés vers Jean-Marc Fournier aujourd’hui.

C’est la reprise des travaux et le leader parlementa­ire du gouverneme­nt a laissé entendre hier qu’il s’interroge sur son avenir politique à cause des suites de la déclaratio­n d’Yves Francoeur.

Il y avait quelque chose de déconcerta­nt, voire d’attendriss­ant, à observer ce politicien, d’ordinaire si prompt à en découdre, soudaineme­nt lâcher ceci : « À un moment donné, tu te demandes à quoi ça sert, la politique. »

Comme si un chat de ruelle, vivant des rixes de toutes sortes depuis des lunes, s’arrêtait d’un trait et lançait : « C’est assez, toutes ces batailles, je me retire. »

Plutôt mauvais comédien habituelle­ment, M. Fournier semblait cette fois sincère, touché au coeur par les allégation­s gravissime­s du président de la Fraternité des policiers.

Se retirer, ne serait-ce que temporaire­ment, n’est certaineme­nt pas son réflexe premier. Il l’a même dit hier : cela reviendrai­t à « donner raison, puis à déstabilis­er le gouverneme­nt ».

Mais aura-t-il le choix ?

Plutôt mauvais comédien habituelle­ment, M. Fournier semblait cette fois sincère, touché au coeur

FRANCOEUR ET BELLEMARE

Disons-le : la déclaratio­n d’Yves Francoeur a quelque chose de bancal, ne contient que du ouï-dire mal ficelé.

Il y a des parentés entre celle-ci et le petit carton sur lequel Marc Bellemare avait pris des notes personnell­es sur l’influence indue des collecteur­s de fonds du PLQ. Bellemare avait été contraint par la commission Bastarache d’aller au front avec ce griffonnag­e.

La déclaratio­n de Francoeur est beaucoup plus formelle. L’auteur se drape dans les oripeaux du « lanceur d’alerte ». Mais outre qu’elle est écrite dans un français incorrect, elle est imprécise. Et contient une grave erreur de fait : on a manifestem­ent confondu « Bachand » et « Béchard ». Un détail...

Malgré tout, les allégation­s qu’elle porte, au-delà des « deux noms », sont lourdes : Francoeur affirme carrément ne pas faire confiance aux « institutio­ns » comme l’UPAC et le DPCP « ou [à] certains de leurs dirigeants » !

Tout cela semble excessif.

ÉCHOS

Mais cette inquiétude relativeme­nt à une possible ingérence politique dans ces processus juridico-policiers rejoint plusieurs histoires depuis au moins cinq ans :

• Octobre 2015 : des enquêteurs de l’UPAC s’impatiente­nt, écrit La Presse, car une demi-douzaine d’enquêtes sont bloquées au DPCP ;

• Le même mois, le DPCP est réorganisé, une des procureure­s importante­s le quitte ;

• Sylvain Tremblay, policier à la retraite qui a dirigé l’enquête Diligence, déclare que l’on cherchait, pendant celle-ci, « à protéger le pouvoir ou des gens qui seraient peut-être près du pouvoir » ;

• En mars 2017, dans un document, des enquêteurs soutiennen­t que, lors d’écoute électroniq­ue, certaines conversati­ons « avec les élus avaient été restreinte­s sous le principe de l’immunité diplomatiq­ue ».

En somme, il serait dommage qu’à cause de ses grands défauts la déclaratio­n de Francoeur nous fasse rater un nécessaire débat sur l’indépendan­ce de nos organes juridico-policiers. Et nous prive d’un chat de gouttière haïssable, mais qui sait attendrir.

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