Les Gémeaux, soir de grande illusion
De chics cocktails offerts par Mels, Bell Média et la Banque Nationale, des centaines de personnalités, du champagne, du vin, des huîtres sur écaille, des crevettes jumbos, de fines tourtières et des poké bowls, c’était la grande fête annuelle de la télévision, dimanche, au Hyatt Regency et à la Place des Arts.
Le gala fut animé correctement par Éric Salvail et JeanPhilippe Wauthier dans un joli décor de lumière et d’écrans. Quelques belles surprises, dont l’apparition des héritiers de
L’amour est dans le pré. Vraiment rien à envier aux Oscars ou aux Emmys. Encore une fois, notre télévision francophone triomphait.
Comme sa soeur anglophone, elle vit aux crochets de l’État, mais qui s’en souciait dimanche soir? Sûrement pas les gagnants qui repartaient en serrant le trophée qu’ils avaient bien mérité. Pas les centaines d’artistes endimanchés non plus, tous fiers d’appartenir à une « colonie artistique » que le public adule.
UN MANIFESTE UNANIME
Il y a quelques jours seulement, un manifeste chargé à bloc de toutes les inquiétudes du milieu culturel a été tiré comme un brûlot en direction d’Ottawa. C’est la première fois, à ma connaissance, qu’un point de vue aussi unanime de tout le pays se fait entendre. Comme si on venait de prendre conscience que la nouvelle politique culturelle que doit annoncer Mélanie Joly, la ministre du Patrimoine, peut signifier au mieux un virage très difficile à négocier et, au pire, le déclin plus ou moins rapide d’une télévision qui nous ressemble.
Durant son mandat à la tête du CRTC, Jean-Pierre Blais a favorisé les consommateurs plutôt que l’industrie. Celle-ci a grincé des dents, mais la plupart des Canadiens ont applaudi, convaincus que les entreprises de communication les exploitent. Pour des raisons obscures, Stephen Harper a décrété qu’il n’y aurait sous son règne jamais de « taxe Netflix », refroidissant du coup les ardeurs du CRTC, résolu à mettre Netflix et compagnie sur le même pied que nos distributeurs.
AUTRE GOUVERNEMENT, MÊME POLITIQUE ?
Contre toute attente, Justin Trudeau semble vouloir suivre le même chemin. Ses raisons sont aussi obscures, mais il invoque haut et fort la classe moyenne. Elle paie déjà assez cher pour ses services de communications qu’on ne va pas en plus l’accabler d’une taxe Netflix, même si elle paie comme nous tous une taxe pour Illico, Crave ou tou.tv.
Quoi qu’il en soit, ce n’est ni la TPS ni la TVQ qui assureraient la pérennité de notre télévision. Il faut plutôt une série de mesures et de contraintes que l’ère numérique, la mondialisation et les accords internationaux rendent fort complexes et difficiles à appliquer.
L’avenir de notre télévision anglophone est problématique. Celui de notre télé francophone l’est encore plus, car son marché potentiel est beaucoup plus restreint. Bien installés dans leur confort et leur succès local, diffuseurs et producteurs n’ont guère peiné jusqu’ici pour conquérir les marchés étrangers.
C’est donc profondément inquiet de l’avenir que j’ai assisté à cette soirée des Gémeaux qui faisait illusion. Illusion qui s’est encore accentuée en fin de soirée, lorsque nous avons appris le triomphe de Jean-Marc Vallée au gala Emmy. Son succès peut aisément faire croire que notre télévision est tout aussi exportable que des réalisateurs et des vedettes… qui n’existeraient pourtant pas sans elle.
TÉLÉPENSÉE DU JOUR
Il y aura donc une nouvelle génération Passe-partout. Il ne reste plus qu’à ressusciter Monsieur Surprise et La souris verte.