Le Journal de Montreal

Le Québec et la Catalogne

Réaction mollassonn­e

- JOSÉE LEGAULT

En politique, il arrive de ces moments bénis qui sont puissammen­t révélateur­s. Il en va ainsi de la réaction mollassonn­e de Philippe Couillard face à la répression ahurissant­e à laquelle l’Espagne se livre pour bloquer la tenue prochaine d’un référendum sur l’indépendan­ce catalane.

Refusant de se prononcer en faveur du droit des Catalans à décider eux-mêmes de leur avenir, quel qu’il soit, M. Couillard se limite à se dire « préoccupé ». La démocratie n’est pourtant pas une valeur que l’on défend à temps partiel.

M. Couillard en profita même pour se livrer à une diversion partisane qui n’honore en rien son poste de premier ministre. Questionné par le chef péquiste Jean-François Lisée, M. Couillard a brandi l’épouvantai­l d’une possible partition du Québec par les Autochtone­s si le Oui l’emportait à la suite d’un très hypothétiq­ue référendum.

Ce faisant, il a remis en question le principe de l’intégrité territoria­le du Québec. Que des nostalgiqu­es orangistes le fassent est une chose attendue. Mais qu’un premier ministre du Québec le fasse, c’est gravissime.

CORRIGER LE TIR

Demandez-le à Jean Charest. En mars 2007, il s’était autopelure­debananisé en soulevant lui aussi l’hypothèse d’une partition du Québec après un Oui. Face à la levée de boucliers qui s’en est suivie, il a vite corrigé le tir par communiqué : « Je réitère, comme premier ministre et comme chef du Parti libéral du Québec, que le territoire du Québec est indivisibl­e. »

À l’opposé, M. Couillard n’a pas hésité à laisser entendre le contraire. En cela, il s’est fait l’écho des pires sorties démagogiqu­es de l’ex-premier ministre fédéral Pierre Elliott Trudeau.

Le 12 septembre 1972, Trudeau père lançait en effet ceci : « Si le Canada peut péter, le Québec peut péter aussi. » Une manière grossière de dire que si le territoire canadien était amputé du Québec, celui du Québec n’en sortirait pas indemne.

Jacques Parizeau lui répondit illico. Dans un texte mémorable intitulé « Péter ou ne pas péter, that is the question », il expliquait pourquoi, selon le droit canadien lui-même, les frontières d’une province, quoi qu’il arrive, « ne peuvent pas être changées sans son consenteme­nt ».

INQUIÉTANT

Or, quelque chose a changé depuis. Et je ne parle pas de la loi dite sur la clarté. Une simple loi dont le but réel est de persuader les Québécois qu’un Oui serait soumis aux diktats d’Ottawa. Ce qui a changé découle du fameux Renvoi relatif à la sécession du Québec.

Dans son avis, la Cour suprême écrivait ceci en 1998 : « Nul ne peut sérieuseme­nt soutenir que notre existence nationale […] pourrait être déchirée sans efforts selon les frontières actuelles du Québec. » Ce n’est cependant que l’avis d’un tribunal, aussi « suprême » soit-il.

Voir Philippe Couillard jouer à son tour dans ces mêmes eaux troubles est fort inquiétant. Comme premier ministre, son rôle est de défendre le principe de l’intégrité territoria­le du Québec en toutes circonstan­ces. Et non pas, comme il l’a fait, de laisser entendre que ses frontières pourraient être modifiées contre son gré.

Philippe Couillard s’est fait l’écho des pires sorties démagogiqu­es de Pierre Elliott Trudeau.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada