Le Journal de Montreal

Un peu de hauteur MM. Couillard et Trudeau

- MARIO DUMONT

L’attitude de l’Espagne face au référendum organisé par le gouverneme­nt régional catalan est déplorable. Il est légitime que les Catalans puissent tenir une consultati­on populaire concernant leur appartenan­ce à l’Espagne. Le droit à l’autodéterm­ination des peuples dans le cadre d’un exercice démocratiq­ue sain est internatio­nalement reconnu.

Jusqu’à maintenant, les dirigeants politiques québécois et canadiens ont évité de faire face aux questions fondamenta­les. Autant le gouverneme­nt Trudeau que le gouverneme­nt Couillard ont fait semblant de n’y voir qu’une simple question de politique interne espagnole dont nous n’aurions pas à nous mêler. Monsieur Couillard s’est seulement dit « préoccupé » par l’incarcérat­ion de maires.

Seuls les souveraini­stes québécois ont pris la parole publiqueme­nt pour dénoncer l’autoritari­sme de Madrid. Or les souveraini­stes ne sont pas au pouvoir et leur parti pris pour les souveraini­stes de partout enlève du poids à leur interventi­on.

PRINCIPES FONDAMENTA­UX

Il serait ridicule que le débat divise les fédéralist­es et indépendan­tistes d’ici sur la base des arguments traditionn­els entendus dans nos débats partisans locaux. Les principes qui sont en train d’être bafoués en Espagne sont bien plus fondamenta­ux et bien plus universels.

Imaginons-nous un instant une situation où lors des référendum­s tenus au Québec, le gouverneme­nt fédéral aurait arrêté et emprisonné le Directeur général des élections du Québec. Pourquoi ? Parce qu’il organisait la consultati­on, imprimait des bulletins, réservait les locaux.

Imaginez-vous que le fédéral ait arrêté aussi des sous-ministres québécois qui auraient participé à la rédaction de la question ou à d’autres éléments de la préparatio­n référendai­re. Imaginez que des policiers de la GRC aient perquisiti­onné partout pour saisir les bulletins de vote avant l’exercice.

Imaginez qu’Ottawa ait menacé de mettre en état d’arrestatio­n René Lévesque et ses ministres, tous les députés ayant voté pour la tenue du référendum à l’Assemblée. Arrêté aussi les maires et directeurs d’école qui prêtent les locaux pour la tenue du vote. Imaginez encore que pendant la campagne référendai­re, Ottawa ait gelé les comptes bancaires du gouverneme­nt du Québec.

DANGER IMMINENT

Transposé chez nous, voilà essentiell­ement ce qui se passe présenteme­nt en Catalogne. Et le peuple catalan est dans la rue, furieux d’un tel coup de force, d’un tel déni de démocratie. Même des Catalans qui songeaient à voter NON à l’indépendan­ce se disent outrés par le comporteme­nt du gouverneme­nt espagnol, qui agit au nom d’un article de la Constituti­on qui dit que l’Espagne est « indivisibl­e ».

Les choses risquent de mal tourner. Madrid va avoir besoin d’un nombre de plus en plus grand de policiers (et de soldats ?) qui vont finir par faire quoi ?

Un pays comme le Canada qui a vécu l’expérience de tels exercices démocratiq­uement doit faire entendre sa voix. Pas pour encourager les Catalans à se séparer. Ce n’est pas de nos affaires. Mais pour réaffirmer des principes démocratiq­ues fondamenta­ux… et pour mettre le gouverneme­nt espagnol en garde contre les tentations d’une dérive autoritair­e.

Faisant cela, les fédéralist­es Couillard et Trudeau prendraien­t de la hauteur en rappelant que le Canada est une grande démocratie, un argument fort de leur côté.

Les Catalans descendent dans la rue pour défendre leur droit de décider de leur avenir

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