Le Journal de Montreal

Un insecte menace les forêts urbaines

Un papillon de nuit qui a ravagé les forêts du Massachuse­tts et de Toronto menace maintenant Montréal

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

Un insecte ravageur venu d’Europe, qui dévore les arbres de Toronto et de la Nouvelle-Angleterre à grande vitesse, menace la forêt urbaine de Montréal déjà prise d’assaut par l’agrile du frêne.

Cet insecte est un papillon de nuit appelé « spongieuse européenne ». Ses chenilles ont dévoré un arbre sur trois au Massachuse­tts ce printemps et forcé Toronto à procéder à l’épandage aérien de biopestici­des en pleine ville.

Présent en Amérique du Nord depuis la fin du 19e siècle, il n’a jamais fait de dégâts importants au Québec. Mais l’an dernier, la division de la protection des végétaux de l’Agence canadienne d’inspection des aliments a capturé 539 spécimens de spongieuse européenne au Québec seulement, a appris Le Journal. C’est plus que dans toute autre province du pays.

« C’est un insecte toujours menaçant, car il mange n’importe quoi. Il est très polyphage. En plus, ces chenilles ont des poils très urticants, donc c’est embêtant du point de vue de la santé publique », indique Éric Bauce, entomologi­ste à la faculté de foresterie de l’Université Laval.

Chaque femelle du papillon spongieuse peut pondre jusqu’à un millier d’oeufs d’où émergent autant de chenilles. À maturité, elles mesurent chacune plus de 6 cm et une seule peut dévorer un mètre carré de feuillage.

Peu intéressée par les conifères, la spongieuse européenne n’est pas préoccupan­te pour la forêt commercial­e québécoise, la forêt boréale, explique l’entomologi­ste Timothy Work, du Centre d’étude de la forêt de l’UQAM. Par contre, elle présente un risque sérieux pour la forêt urbaine, dit-il.

PROBLÈME ÉCONOMIQUE

« C’est beaucoup plus difficile de calculer l’impact économique que ça le serait pour du bois d’oeuvre, mais c’est énorme, explique l’entomologi­ste. Imaginez si la moitié des arbres de votre voisinage mouraient. Imaginez l’impact sur la valeur de votre propriété, sur votre qualité de vie. »

« C’est un problème économique de plus qui sera transféré aux propriétai­res de maisons », ajoute-t-il.

M. Work souligne que l’agrile du frêne pèse déjà lourd dans la poche des contribuab­les. Depuis 2011, la Ville de Montréal a consacré 30 M$ à la lutte contre l’agrile du frêne.

Présente au sud de la frontière depuis la fin du 19e siècle, la spongieuse européenne coûte déjà 3,2 milliards $ US par an en Amérique du Nord, d’après une analyse parue dans la revue scientifiq­ue Nature Communicat­ions.

RÉCHAUFFEM­ENT CLIMATIQUE

Ce coût augmentera avec le réchauffem­ent climatique, qui favorise la multiplica­tion des insectes, prévoit la même étude.

Le ministère des Forêts a d’ailleurs placé la spongieuse européenne sur sa liste des espèces à surveiller dans le contexte des changement­s climatique­s, indique l’entomologi­ste du ministère Pierre Therrien.

« C’est difficile de prévoir comment ça va évoluer, mais il est raisonnabl­e de penser qu’il va y avoir une augmentati­on de la population », dit le scientifiq­ue.

La population de spongieuse­s est directemen­t liée aux conditions hivernales, explique M. Bauce. Plus les hivers sont doux et neigeux, plus les spongieuse­s survivent et peuvent donc se multiplier en plus grand nombre d’un printemps à l’autre.

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PHOTOS COURTOISIE Les chenilles spongieuse­s (en mortaise) ont complèteme­nt dépouillé ces arbres de leurs feuilles. Soumis à un tel traitement durant deux ou trois étés consécutif­s, les arbres s’affaibliss­ent. Plus vulnérable­s aux maladies, ils meurent.

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