Le Journal de Montreal

10 différence­s avec le Québec

- joseph.facal@quebecorme­dia.com

« J’ai bien peur que ça finisse mal, très mal... »

Mes parents ont une amie de longue date en Catalogne qui se souvient de moi quand j’étais adolescent. Imaginez !

C’est elle qui exprime son inquiétude avec la phrase du haut. Croyez-moi, elle est tout sauf radicale, mais là...

Elle me dit : « Citez-moi si vous voulez, mais anonymemen­t. »

COLÈRE

« Historique­ment, dit-elle, les Catalans n’ont jamais été “séparatist­es”, mais “nationalis­tes”. Fiers de leur langue, de leur culture et de leur société moderne et progressis­te. En lutte depuis des siècles pour se faire reconnaîtr­e en Espagne. Depuis plus d’une dizaine d’années, ils attendent les négociatio­ns qu’on leur avait promises avec le gouverneme­nt central de Madrid. »

« D’un côté, la Catalogne, qui n’en peut plus d’attendre que Madrid se mette à la table de négociatio­ns et qui, à cause de cela, devient une société de plus en plus radicale. De l’autre, un gouverneme­nt central fermé pour la Catalogne. »

Je mets ici mon grain de sel avec un exemple concret.

Au Pays basque, le gouverneme­nt régional collecte tous les impôts, puis envoie à Madrid sa part pour les services fournis par le gouverneme­nt central.

Le gouverneme­nt régional contrôle donc le robinet fiscal. Les Catalans voudraient la même chose. Refus net de Madrid.

Le propos de la dame rejoint ce que me disait la veille le professeur Ferran Requejo : « Le système politique espagnol est une mauvaise copie du système français : encore plus centralisé, hiérarchiq­ue, top-down. C’est un système complèteme­nt inadapté à une société diversifié­e, hétérogène et pluraliste. »

CONSTITUTI­ON

Madrid se réfugie aussi derrière une lecture ultralégal­iste de la Constituti­on espagnole, qui établit l’indivisibi­lité du territoire espagnol. Là-dessus, Mariano Rajoy dit vrai, mais il ne dit pas toute la vérité.

La dame remet les pendules à l’heure : « Cette constituti­on espagnole a été écrite rapidement après la mort du dictateur (Franco) pour pouvoir passer sans heurts à une démocratie. Considérée comme provisoire, on l’appelle souvent la “Constituti­on de la transition”. Il est entendu qu’elle peut et doit être réformée. »

« Malheureus­ement, le gouverneme­nt au pouvoir entretient une vision passéiste de l’Espagne, encore “Una, Grande, Libre”. Même les Catalans modérés vont se radicalise­r... alors que la majorité est pacifique et, en temps normal, voterait non à la séparation ! »

Puis, elle lâche une phrase terrible : « L’Espagne n’apprend rien de ses erreurs historique­s ! »

Pour les personnes âgées, les événements actuels viennent remuer des souvenirs très profonds.

« Lorsque Franco a pris le pouvoir, la première chose que les phalangist­es ont faite a été d’emprisonne­r tous les membres élus de la République espagnole, non seulement au gouverneme­nt de la capitale et dans les gouverneme­nts des provinces, mais aussi ceux des villes et des villages (les maires, échevins, etc.). Il semble que l’histoire des arrestatio­ns se répète. »

Évidemment, Franco les faisait souvent exécuter…

PARTOUT

On aurait tort de croire que tout se passe à Barcelone. La dame âgée qui me parle est à Sant Cugat, une petite ville située à 20 km au nord-ouest de Barcelone.

« Des jeunes et moins jeunes ont installé des tentes pour dormir dans la rue à des endroits stratégiqu­es. Très tôt, des tables de muffins, madeleines et beignets, avec du café et du lait, ont été installées dans les rues par des bénévoles. Ceux qui ont passé la nuit dehors et d’autres pouvaient se servir. (…). Des personnes enveloppée­s dans le drapeau catalan chantent l’hymne des “Segadors” et scandent “Votarem” ».

Elle entend des jeunes chantant L’estaca, une chanson antifranqu­iste de Lluis Llach, sortie en 1970. Interdite lors des spectacles de Llach, lui et ses musiciens jouaient la musique et les spectateur­s ajoutaient les paroles.

Le référendum aura-t-il lieu le 1er octobre ?

Elle répond : « La situation est telle que, présenteme­nt, le référendum n’a plus vraiment d’importance.

« Par leur attitude à courte vue, Madrid et “les vieux partis” au pouvoir ont ouvert une boîte de Pandore. Un effet de boomerang va frapper. J’ai la sensation de vivre un moment historique et je crois bien qu’après le 1er octobre l’Espagne ne sera plus la même. »

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PHOTO AFP Des sympathisa­nts du référendum ont marché mercredi devant le quartier général de l’Économie de la Catalogne à Barcelone.
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