Le Journal de Montreal

En plus de réparer des souliers, il a collé des dents sur des dentiers

Cordonnier depuis 46 ans, l’homme a poursuivi l’oeuvre de son grand-père et de son père

- FRÉDÉRIC HOUNTONDJI

Comme cordonnier depuis 46 ans, Mario Girard n’a pas réparé que des chaussures. Des clients lui ont apporté des toiles de barbecue, des sièges de moto et de VTT, des meubles et même des prothèses dentaires.

À 62 ans, Mario Girard est la troisième génération dans le métier à Longueuil. Et son fils est maintenant la quatrième.

« Le plaisir que j’ai à faire ce métier, c’est que, des fois, on en pogne qui sont des souliers qui sont vraiment tout brisés. Et réussir à faire un soulier qui est propre, qui est beau, qui est portable, même pour une grande soirée… c’est remettre du vieux presque neuf, c’est ça ma satisfacti­on », relate-t-il, soutenu par son frère jumeau, Sylvain Girard, avec qui il gère une cordonneri­e au centre commercial Place Longueuil.

Pour Mario Girard, parler de l’évolution de la cordonneri­e revient à parler d’un métier qui mène à tout.

« On pose des talons, des semelles, on coud des tentes, des toiles de barbecue, on répare des sièges de moto et de VTT… Il m’est même arrivé de coller une dent sur un dentier ! Je l’ai déjà fait deux ou trois fois. Ce n’est pas mon métier, mais il faut être polyvalent et trouver une solution aux problèmes », insiste-t-il.

Son grand-père, Joseph Girard, a commencé la tradition en 1927 à Arvida. Son atelier était à côté d’Alcan et il en profitait pour réparer les bottines, les gants, les tabliers et autres effets pour l’usine.

« LE MILLIONNAI­RE »

En 1975, le père de Mario Girard, Gaston, a quitté la région du Saguenay et s’est installé à Greenfield Park, à Longueuil. Il a acheté une cordonneri­e dans le centre commercial de cet arrondisse­ment alors qu’il avait à peine 40 ans. Il est devenu très riche rien qu’en réparant des chaussures et certains l’ont appelé « le millionnai­re des chaussures ».

« Quand il est arrivé d’Arvida, il n’avait plus rien, pas une cenne, affirme Mario. Je me souviens que la soeur de ma mère avait prêté 5000 $ à mon père pour acheter une cordonneri­e à Place Greenfield. »

Il note que « c’est à partir de là qu’il a fait sa fortune et ça n’arrêtait plus ».

En effet, Gaston Girard possédait, témoigne le fils, une cinquantai­ne de cordonneri­es réparties de Sherbrooke à Montréal en passant par TroisRiviè­res, Saguenay, Québec et ailleurs.

UNE MACHINE DE 75 ANS

Toute sa famille pouvait profiter de sa richesse. « Il avait des hôtels, des bars, des bateaux. Il nous emmenait sur ses bateaux et on menait la belle vie. Sa femme m’a dit qu’il était millionnai­re et c’était vrai », raconte Danny, le fils de Mario Girard, qui est lui aussi cordonnier.

Après 46 ans dans la cordonneri­e, Mario Girard n’a pas noté de grands changement­s dans le métier.

Pour preuve, les outils qu’il utilise ne sont pas différents de ceux dont se servaient son père et son grand-père. Dans son atelier, on peut voir un banc de finition de près de 30 ans qui sert principale­ment à polir les souliers, et l’incontourn­able machine à coudre datant de plus de 75 ans.

Il l’avait achetée usagée et il l’utilise depuis plus de 46 ans. Elle fonctionne toujours à merveille.

« Les chaussures ont évolué. Aujourd’hui, elles sont plus en synthétiqu­e. Avant, c’était du cuir et du caoutchouc, maintenant il y a plus de synthétiqu­e. C’est pourquoi ils ont sorti la colle cyanoacryl­ique. L’autre colle peut coller le synthétiqu­e, mais pas fort et après ça se défait. Ils ont alors inventé la colle cyanoacryl­ique, qui est plus forte avec un accélérate­ur et qui soude », explique-t-il.

Sans être ébéniste, il répare des meubles, et même des pots sans être potier.

À côté de la cordonneri­e, Mario Girard fait du nettoyage de vêtements, de la vente et de la production de clés.

Aujourd’hui, le cordonnier, dont le métier est en voie de disparitio­n, a plusieurs cordes à son arc… pour ne pas dire, plusieurs lacets à ses chaussures !

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PHOTO FRÉDÉRIC HOUNTONDJI Dans sa cordonneri­e de Place Longueuil, Mario Girard utilise toujours une machine à coudre vieille de 75 ans pour effectuer des réparation­s.
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DANNY GIRARD Fils

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