Le Journal de Montreal

Apprendre à aimer, à nouveau

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Ingrid Falaise aimerait que les gens retiennent d’elle la résilience plutôt que l’histoire d’horreur. « Elle va toujours faire partie de moi, mon histoire d’horreur, et c’est ça que j’ai accepté. Elle fait partie de la femme que je suis devenue aujourd’hui, mais elle n’est plus un boulet. »

Ingrid va maintenant de l’avant. « Ce n’est plus quelque chose que je traîne lourdement. J’en ai fait quelque chose de grand, de beau, et je le dis en toute humilité. »

Quand elle présente des conférence­s à travers le Québec, elle ajoute qu’elle se sert de son histoire pour panser des blessures, guérir les blessures d’autres femmes. « C’est extraordin­aire. Je me suis pardonné à moi-même aussi. L’agresseur, je m’en fous. Mais j’ai compris que j’ai été une victime, que c’est pas de ma faute. J’ai arrêté d’avoir honte – c’est la pire chose de garder le silence et d’être gênée de ce qu’on a vécu. »

Ingrid a un message important à transmettr­e : des ailes, ça repousse. « Il y a une vie après la violence. C’est beau. On peut s’en sortir. Les blessures ne vont plus prendre le dessus : on va prendre le dessus sur les blessures et sur les mécanismes de défense. C’est difficile, mais il faut le faire, parce que ça fait du bien, en bout de ligne. »

La thérapie fermée l’a aidée énormément. « Je vois encore la même thérapeute, que j’appelle Lise, dans le livre. Cette thérapie m’a permis de comprendre que j’avais une valeur. Quand on est victime de violence conjugale, on n’a plus d’estime de soi. On n’a plus rien et on ne connaît pas notre valeur. »

Elle continue : « Je me suis abusée aussi de différente­s façons : en boulimie, en anorexie, en automutila­tion, en n’étant pas fine avec les hommes, parce que je créais d’autres souffrance­s pour ne pas toucher à ma propre souffrance émotive qui était vraiment ancrée. »

Elle s’est perdue dans toutes sortes de mécanismes de fuite... jusqu’à tant que ces fuites ne suffisent plus. « J’ai pété au frette et je suis tombée en grosse dépression. Et là, je n’avais plus le choix d’aller toucher à la souffrance réelle, celle qu’il fallait vraiment guérir. […] Quand je suis sortie de la thérapie, je savais ce que je valais pour la première fois depuis si longtemps, et j’avais appris à mettre mes limites et à dire non. Non à l’abus sous toutes ses formes. »

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