Le Journal de Montreal

Un analyste très critique

- PHILIPPE ORFALI

Darryl Jenkins dirige l’American Aviation Institute, un laboratoir­e d’idées basé à Washington. L’analyste en aviation se montre très critique face au recours de Boeing contre Bombardier. Les CSeries sont sur le marché depuis 2015. Pourquoi Boeing a-t-elle attendu jusqu’à maintenant pour poursuivre Bombardier ? Bombardier a un excellent produit et, dans des circonstan­ces normales, personne ne prendrait les accusation­s de Boeing au sérieux. Mais quand vous avez Donald Trump comme président, qui crie « l’Amérique d’abord » sur tous les toits, cette lutte commercial­e devient soudaineme­nt très importante. Et c’est davantage une guerre politique que commercial­e. On accuse Bombardier d’avoir empiété sur le marché de Boeing et d’avoir fait du « dumping », soit d’avoir vendu ses avions à perte. Ces allégation­s ont-elles un bien-fondé ? Ça ne s’appuie pas sur des faits. Le CSeries n’est pas un concurrent direct du 737, ils n’ont pas la même capacité de passagers. Boeing n’a même pas tenté d’obtenir le contrat que Delta a octroyé à Bombardier. Qu’en est-il des accusation­s de « dumping » ? La Commission du commerce internatio­nal (ITC) des États-Unis a donné raison à Boeing là-dessus, mais la réalité, c’est que l’entreprise elle-même a vendu ses avions à perte à ce qu’on appelle ses « consommate­urs de lancement », soit les premières compagnies aériennes qui achètent un nouveau produit. C’est un prix spécial parce qu’elles font face à de hauts risques en achetant un produit avant sa mise sur le marché. Vous dites que Boeing a fait ce qu’elle reproche à Bombardier ? Oui ! Selon Boeing, c’est correct de vendre plusieurs centaines de 787 en deçà de leur coût de production, incluant 16 avions à Air Canada. Mais si d’autres le font, alors là, soudaineme­nt, ça devient une pratique déloyale. La vérité c’est que Boeing le fait, Embraer le fait, Airbus le fait, tout le monde le fait. Ils parlent des deux côtés de la bouche. Ottawa menace maintenant de ne pas accorder de nouveaux contrats à Boeing. Dans un cas comme dans l’autre, les économies des deux pays pourraient être affectées. Oui, pour plusieurs raisons. On parle de guerre commercial­e, mais Bombardier a des travailleu­rs aux États-Unis et Boeing est présent au Canada. Les deux pays vont être affectés, quoi qu’il arrive.

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