La SAAQ ignore ce que font les conducteurs avec leur balloune
L’organisme n’a pas accès aux données enregistrées par l’antidémarreur
La SAAQ autorise des automobilistes coupables d’avoir conduit en état d’ébriété à reprendre le volant grâce à un antidémarreur éthylométrique, mais elle n’a aucune idée du nombre d’échecs que la machine enregistre.
C’est le constat qui a été exposé hier à la coroner Me Andrée Kronström, dans le cadre de l’enquête publique qu’elle préside sur la mort de Vincent Barbe.
Un conducteur pourrait donc tenter de démarrer son véhicule alors qu’il est saoul, à des dizaines de reprises, et jamais la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) n’en serait informée.
Certes, l’antidémarreur éthylométrique l’empêcherait de conduire chaque fois. Mais l’automobiliste pourrait tout de même récupérer son permis de conduire régulier sans problème au bout de sa période de suspension, sauf exception.
« Nous n’avons pas le pouvoir de regarder les données de l’antidémarreur. Il faut avoir un signalement, un motif raisonnable pour pouvoir colliger les informations concernant les échecs », a déclaré Stéphanie Mercier, de la SAAQ, au palais de justice de Laval.
Lorsqu’un automobiliste est condamné pour alcool au volant, il perd automatiquement son permis de conduire pour une période minimale d’un an en vertu du Code criminel. Les sentences sont plus lourdes lorsqu’il s’agit d’une récidive.
La SAAQ peut ajouter à cela une sanction plus longue, pendant laquelle le contrevenant ne peut pas conduire.
100 $ PAR MOIS
Afin que celui-ci puisse continuer à vaquer à ses occupations professionnelles, la SAAQ permet à l’automobiliste d’utiliser un antidémarreur éthylométrique après une certaine période.
L’installation coûte 160 $ et la location 100 $ par mois, plus les taxes et les frais.
Tous les deux mois, le conducteur doit se rendre dans un centre de services Lebeau Vitres d’auto ou GIS Québec pour faire vérifier l’appareil. Les techniciens récoltent également les données dans la machine.
Elles sont remises au client, mais pas à la SAAQ, sauf dans de rares cas précis.
« Il n’y a pas de délation à la SAAQ si quelqu’un a beaucoup d’échecs au démarrage. Ça n’entre pas dans notre grille d’analyse », a expliqué Christiane Brosseau, de GIS Québec.
60 ÉCHECS
Vincent Barbe cadrait exactement dans cette catégorie. Condamné pour deux conduites en état d’ébriété successives, il a eu un antidémarreur éthylométrique dans son véhicule pendant près de trois ans et demi.
Pendant les deux dernières années, il a échoué au test de démarrage à 60 reprises, dont 22 avec un taux d’alcoolémie élevé. La SAAQ n’en a jamais été informée.
Et si elle l’avait été, elle n’aurait pas pu l’obliger à conserver son antidémarreur, car il a terminé de purger sa période de suspension le 8 avril 2015.
Il s’est tué après avoir embouti l’arrière d’une autopatrouille à 161 km/h, le 30 avril 2015. L’homme de 26 ans avait trois fois la limite d’alcool permise dans le sang.
« NOUS N’AVONS PAS LE POUVOIR DE REGARDER LES DONNÉES DE L’ANTIDÉMARREUR » – Stéphanie Mercier, SAAQ