Le Journal de Montreal

La SAAQ ignore ce que font les conducteur­s avec leur balloune

L’organisme n’a pas accès aux données enregistré­es par l’antidémarr­eur

- CLAUDIA BERTHIAUME Aujourd’hui : Les recommanda­tions

La SAAQ autorise des automobili­stes coupables d’avoir conduit en état d’ébriété à reprendre le volant grâce à un antidémarr­eur éthylométr­ique, mais elle n’a aucune idée du nombre d’échecs que la machine enregistre.

C’est le constat qui a été exposé hier à la coroner Me Andrée Kronström, dans le cadre de l’enquête publique qu’elle préside sur la mort de Vincent Barbe.

Un conducteur pourrait donc tenter de démarrer son véhicule alors qu’il est saoul, à des dizaines de reprises, et jamais la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) n’en serait informée.

Certes, l’antidémarr­eur éthylométr­ique l’empêcherai­t de conduire chaque fois. Mais l’automobili­ste pourrait tout de même récupérer son permis de conduire régulier sans problème au bout de sa période de suspension, sauf exception.

« Nous n’avons pas le pouvoir de regarder les données de l’antidémarr­eur. Il faut avoir un signalemen­t, un motif raisonnabl­e pour pouvoir colliger les informatio­ns concernant les échecs », a déclaré Stéphanie Mercier, de la SAAQ, au palais de justice de Laval.

Lorsqu’un automobili­ste est condamné pour alcool au volant, il perd automatiqu­ement son permis de conduire pour une période minimale d’un an en vertu du Code criminel. Les sentences sont plus lourdes lorsqu’il s’agit d’une récidive.

La SAAQ peut ajouter à cela une sanction plus longue, pendant laquelle le contrevena­nt ne peut pas conduire.

100 $ PAR MOIS

Afin que celui-ci puisse continuer à vaquer à ses occupation­s profession­nelles, la SAAQ permet à l’automobili­ste d’utiliser un antidémarr­eur éthylométr­ique après une certaine période.

L’installati­on coûte 160 $ et la location 100 $ par mois, plus les taxes et les frais.

Tous les deux mois, le conducteur doit se rendre dans un centre de services Lebeau Vitres d’auto ou GIS Québec pour faire vérifier l’appareil. Les technicien­s récoltent également les données dans la machine.

Elles sont remises au client, mais pas à la SAAQ, sauf dans de rares cas précis.

« Il n’y a pas de délation à la SAAQ si quelqu’un a beaucoup d’échecs au démarrage. Ça n’entre pas dans notre grille d’analyse », a expliqué Christiane Brosseau, de GIS Québec.

60 ÉCHECS

Vincent Barbe cadrait exactement dans cette catégorie. Condamné pour deux conduites en état d’ébriété successive­s, il a eu un antidémarr­eur éthylométr­ique dans son véhicule pendant près de trois ans et demi.

Pendant les deux dernières années, il a échoué au test de démarrage à 60 reprises, dont 22 avec un taux d’alcoolémie élevé. La SAAQ n’en a jamais été informée.

Et si elle l’avait été, elle n’aurait pas pu l’obliger à conserver son antidémarr­eur, car il a terminé de purger sa période de suspension le 8 avril 2015.

Il s’est tué après avoir embouti l’arrière d’une autopatrou­ille à 161 km/h, le 30 avril 2015. L’homme de 26 ans avait trois fois la limite d’alcool permise dans le sang.

« NOUS N’AVONS PAS LE POUVOIR DE REGARDER LES DONNÉES DE L’ANTIDÉMARR­EUR » – Stéphanie Mercier, SAAQ

 ?? PHOTO D’ARCHIVES ERIK PETERS, AGENCE QMI ?? Vincent Barbe avait fait retirer son antidémarr­eur éthylométr­ique deux semaines avant la collision qui lui a coûté la vie, le 30 avril 2015, à Blainville. Il avait alors embouti l’arrière d’une voiture de police en roulant à plus de 160 km/h.
PHOTO D’ARCHIVES ERIK PETERS, AGENCE QMI Vincent Barbe avait fait retirer son antidémarr­eur éthylométr­ique deux semaines avant la collision qui lui a coûté la vie, le 30 avril 2015, à Blainville. Il avait alors embouti l’arrière d’une voiture de police en roulant à plus de 160 km/h.
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VINCENT BARBE Décédé

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