Le Journal de Montreal

Rex Tillerson : la chute

- Loïc Tassé

Lors d’une réunion au Pentagone, Rex Tillerson aurait traité le président américain de « débile ». Cette semaine, Donald Trump a déclaré qu’il était inutile que Tillerson dépense son énergie pour trouver une solution négociée au conflit nord-coréen.

Les rumeurs sur la démission de Tillerson se multipliai­ent. Mercredi, Tillerson a donc décidé de faire une profession de foi publique en faveur de Trump, un dirigeant dont il aurait découvert l’intelligen­ce et l’amour des États-Unis, pour reprendre ses propres termes.

Sauf que sous Tillerson, toute la machine du Départemen­t d’État semble en train de s’écrouler. Rien de très bon n’augure pour un pays qui demeure la première puissance mondiale.

Quel est le rôle du Départemen­t d’État américain ? Le Départemen­t d’État est le nom que donnent nos voisins du Sud à leur ministère des Affaires étrangères. Ce ministère est de taille assez modeste, étant donné la puissance des États-Unis et leur place dans le monde. Ce départemen­t emploie environ 10 000 personnes. Sa mission consiste à « façonner et maintenir un monde en paix, prospère, juste et démocratiq­ue » (site web du Départemen­t d’État). Il doit aussi « favoriser les conditions pour la stabilité et le progrès, au bénéfice des Américains et des personnes de partout ». Bien entendu, il est possible de discuter de l’applicatio­n réelle sur le terrain de ces beaux principes. Mais ils ont le mérite d’illustrer l’importance des activités du Départemen­t d’État.

Pourquoi Tillerson pose-t-il un problème ? Les employés du Départemen­t d’État reprochent deux choses à Tillerson. D’abord, il provient du milieu des affaires et il n’a eu auparavant que peu de contacts avec les cercles diplomatiq­ues. Sauf pour les enjeux énergétiqu­es, sa compréhens­ion des problèmes internatio­naux semble limitée. Or, et c’est le second problème, plutôt que de consulter les nombreux diplomates très expériment­és qui se trouvent dans son départemen­t, Tillerson s’est entouré d’un petit nombre de courtisans. Il est ainsi devenu inaccessib­le à ses propres employés. Les décisions de Tillerson sont donc mal éclairées. Il est par conséquent vulnérable à la désinforma­tion et à la manipulati­on.

Quels sont les autres problèmes du Départemen­t d’État ? L’équipe de Trump méprise les experts. Ceux en relations internatio­nales n’échappent pas à la règle. Le récent discours étonnammen­t simpliste de Trump à l’Assemblée générale de l’ONU illustre bien les conséquenc­es de ce mépris et de cette absence de consultati­on. Avec pour résultat que par manque de motivation, ou scandalisé­s par la direction que prend la politique américaine, plusieurs diplomates expériment­és sont en train de quitter le départemen­t d’État. Du reste, Trump a demandé des coupes de 33 % dans le budget du départemen­t d’État.

Qu’est-ce que cela signifie pour Tillerson ? Tillerson possède de moins en moins d’influence. Pourtant, bien souvent, le secrétaire d’État est le personnage politique le plus important après le président. Le départemen­t de Tillerson s’affaiblit et il s’en est coupé. Le poids internatio­nal de Tillerson diminue d’autant.

Qui profite de l’affaibliss­ement de Tillerson ? Parions que les généraux autour de Trump vont savoir récupérer l’influence perdue de Tillerson. La politique étrangère américaine risque d’être de plus en plus dictée par le Pentagone et par ses lobbies d’affaires. La politique extérieure américaine, qui déjà souffrait de myopie pour envisager le long terme, risque de devenir une politique mercantile à courte vue. Les récentes ventes d’armements ultra-perfection­nés à l’Arabie saoudite, à la Corée du Nord ou au Japon constituen­t quelques exemples parmi d’autres de cette politique à courte vue.

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Sous Rex Tillerson, toute la machine du Départemen­t d’État semble en train de s’écrouler aux États-Unis.
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