Le Journal de Montreal

Philippe Couillard et les francophon­es

- DENISE BOMBARDIER Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure denise.bombardier @quebecorme­dia.com

Philippe Couillard s’est enfin révélé tel qu’en lui-même depuis son élection comme premier ministre du Québec. Cet homme se méfie de ses compatriot­es francophon­es. Il est le seul premier ministre anti-nationalis­te depuis la Révolution tranquille.

Sa vision du nationalis­me canadien-français est d’une certaine façon plus négative que celle d’un Pierre Elliott Trudeau. Celui-ci avait traité Robert Bourassa — un fédéralist­e, précisons-le — de « mangeur de hot-dogs ». Car l’ex-premier ministre du Québec se battait alors contre la centralisa­tion d’Ottawa sous le règne de Trudeau père.

Pierre Elliott Trudeau dans sa jeunesse adhéra au nationalis­me conservate­ur inspiré par l’abbé Groulx. Mais il « se convertit » en quelque sorte pour devenir un adversaire cinglant et brillant du régime de Maurice Duplessis.

Si surprise il y eut lorsqu’il joignit le PLC en compagnie de Jean Marchand le syndicalis­te et Gérard Pelletier le journalist­e, c’est qu’on s’attendait à ce que PET fît le saut en politique avec le NPD, lui qui se définissai­t à gauche. Mais Trudeau père, conscient de sa force et de son charisme, choisit le parti libéral qui le projeta par la suite au sommet de la gloire et du pouvoir.

NATIONALIS­ME QUÉBÉCOIS

Philippe Couillard est en quelque sorte l’opposé de Trudeau père. On ne cesse de le répéter : c’est un homme à la passion froide, qui ne s’identifie guère aux francophon­es, trop turbulents, émotifs et complexés à ses yeux. Le nationalis­me québécois le rebute. Il le dédaigne et le rejette.

La défaite spectacula­ire de son parti dans Louis-Hébert lundi dernier l’oblige à un recul électorali­ste. Ils sont nombreux les militants libéraux à s’être tus devant leur chef, qui n’avait rien trouvé de mieux que de mettre sur pied sa commission d’accablemen­t des francophon­es. Car Philippe Couillard n’est pas loin de croire qu’il y a dans la culture québécoise francophon­e non seulement des parasites d’intoléranc­e et de haine de l’autre, mais que l’intoléranc­e et le rejet sont carrément systémique­s.

Les francophon­es de son gouverneme­nt ont donc pris le rang depuis deux ans. Pouvoir oblige, dirait-on. Mais la question est désormais de savoir si une proportion importante de francophon­es va croire au revirement de Philippe Couillard dans les mois menant à l’élection d’octobre 2018.

ATTRAIT DU POUVOIR

Visiblemen­t, Philippe Couillard a découvert les délices pervers du pouvoir. Pervers, donc irrationne­ls. Retrouvera-t-il un enthousias­me nationalis­te ? Changera-t-il sa perception des Québécois francophon­es ? Qu’on nous permette d’en douter.

Sa base électorale est composée d’une écrasante majorité d’anglophone­s et d’allophones. Philippe Couillard s’apprêterai­t à créer dans la foulée d’un remaniemen­t un secrétaria­t aux anglophone­s. Créateur d’emplois pour sa commission sur le racisme et l’islamophob­ie, va-t-il maintenir ces emplois réservés aux néo-Québécois ? Et pour quelles tâches s’il annule la commission ?

Le premier ministre a poussé dans leurs derniers retranchem­ents de nombreux Québécois ni intolérant­s, ni racistes, ni anti-musulmans. Triste bilan. Philippe Couillard démontre de façon dramatique que l’intelligen­ce pure au détriment de l’intelligen­ce affective ne transforme pas un homme en chef d’État rassembleu­r.

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Philippe Couillard, l’antination­aliste du Québec.

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