Utopique ou juste ambitieux ?
General Motors, longtemps le géant mondial de l’automobile, a annoncé cette semaine qu’il lancera 20 véhicules électriques d’ici 2023. De ce nombre, deux variantes de sa compacte Bolt EV tout électrique seront présentées d’ici 18 mois.
Et bien sûr, c’est la nouvelle qui a fait la manchette des bulletins de nouvelles de soirée à la télé et la une des journaux du lendemain matin ; même si c’est loin d’être la seule chose importante et intéressante qu’annonçaient les grands patrons de GM plus tôt dans la journée. Mettons ça sur le compte de la fascination boulimique actuelle des grands médias pour tout ce qui ressemble à une voiture équipée d’un moteur électrique et de grosses batteries.
GM VISE HAUT AVEC SON « TRIPLE ZÉRO »
Mary Barra, grande patronne de General Motors, et Mark Reuss, son fidèle lieutenant, ont parlé en fait d’un triple objectif pour leur compagnie : « zéro collision, zéro émission polluante, et zéro congestion », sans toutefois ajouter une date ou fixer le moindre échéancier pour ce projet remarquablement ambitieux.
Vous devinez que la conduite autonome, l’électrification et l’intelligence artificielle sont au coeur de ces promesses grandioses. Avec tout le flou, l’enflure verbale et les promesses creuses qui les accompagnent hélas trop souvent.
Notez que GM n’est ni le premier ni le seul à mettre de telles cibles en joue. Le constructeur suédois Volvo, champion reconnu en sécurité automobile, a promis dans sa déclaration « Vision 2020 » que personne ne serait tué ou blessé gravement dans un des véhicules qu’il produit en l’an 2020.
Objectif audacieux ? Sans l’ombre d’un doute. Or, il ne faut jamais oublier que Volvo, grâce à son ingénieur Nils Bohlin, a été le pionnier de la ceinture de sécurité à baudrier (trois points d’ancrage) qui a sauvé des vies par centaines de milliers et qui fête d’ailleurs ses cinquante ans cette année.
Cet accessoire de sécurité tout simple est le plus important de tous puisqu’il réduit de 47 % le risque de mourir et de 52 % celui d’être blessé gravement dans une collision. Or, on dispose maintenant d’un arsenal extraordinaire de systèmes qui rehaussent le degré global de protection, même si la contribution de chacun de ces systèmes n’est jamais aussi importante que celle de la ceinture.
Une étude allemande a par exemple prouvé, dès 2004, que le freinage d’urgence assisté avait permis de réduire le nombre de décès de 5 %. On pourrait aussi réduire les blessures de 0,7 % et les décès de 1,4 % avec le régulateur de vitesse qui maintient un espace constant entre les véhicules. Et cette liste s’allonge constamment.
LA SÉCURITÉ EN PARTANT DU SOMMET
Volvo a mis au point plusieurs systèmes de sécurité, mais n’a certainement pas été le seul. GM fut à la source de plusieurs innovations, y compris le perfectionnement du « crash-test dummy », ce mannequin qui permet de mesurer les forces gigantesques qui sont générées lors d’une collision sans mettre en péril des humains ou des animaux.
Mercedes-Benz a également consacré, de tout temps, des sommes et ressources colossales à la sécurité. On lui doit, en plus des zones déformables et des carrosseries ultra-rigides, les premiers freins antiblocage, coussins gonflables et systèmes d’antidérapage à être intégrés avec succès à des voitures de série.
Ces innovations étaient d’abord offertes sur les grandes berlines de Classe S pour ensuite se répandre à travers la gamme. Et la concurrence fait la même chose. Tant et si bien qu’on se retrouve maintenant avec des sous-compactes bardées de systèmes de sécurité, y compris une dizaine de coussins gonflables, et que ça n’étonne plus personne.
LE CIEL N’ÉTAIT PAS LA LIMITE
Il y a fort longtemps, j’ai écrit un texte qui s’intitulait « Au-delà du coussin gonflable, un nouveau grand projet québécois : objectif zéro victime » et fut publié dans le Guide de l’auto 1991. Mon texte n’a pas fait sensation, à une époque où ni le freinage ABS ni les coussins gonflables n’étaient installés de série. Il pouvait même paraître naïf, mais je suis plutôt fier de le relire aujourd’hui.
Le temps est venu de viser très haut en matière de sécurité automobile, même si les décès ont diminué des deux tiers alors que la population doublait, au pays, durant les 40 dernières années.
Si John F. Kennedy et Jean Drapeau n’avaient pas visé très haut, au nom de leurs concitoyens, Neil Armstrong n’aurait pas mis le pied sur la Lune en 1969 et on n’aurait pas eu ce miracle que fut Expo67. Et ils furent des dizaines de milliers à y travailler sans relâche.
Surtout que ces objectifs zéro, même triples, deviendront de plus en plus réalistes et atteignables, à mesure que progressera la technologie. En espérant qu’elle fasse quelques bonds vers l’avant, en chemin.
On est rendus là, enfin.
Zéro collision, zéro émission polluante et zéro congestion