Seulement un aîné sur 10 perd son permis de conduire
Son père de 92 ans conduit sur une piste cyclable après un rendez-vous chez le médecin
Jean-Philippe Paradis a tout fait pour que son père qui souffrait d’un début de démence ne puisse plus conduire sa voiture, écrivant même une lettre à son médecin le suppliant de lui retirer son permis, mais celui-ci a refusé. Le lendemain, son père conduisait sur une piste cyclable avec sa voiture.
En 2015, Jean-Philippe Paradis voyait la santé de son père dépérir et qu’il devenait un danger sur la route.
Mais au Québec, seulement 10 % des gens qui tentent de faire retirer un permis à un proche devenu dangereux sur la route y parviennent.
Chaque fois que M. Tremblay voyait son père de 92 ans prendre le volant de sa Ford Taurus, il était inquiet pour sa vie et celle des autres.
Son père n’avait plus le sens de l’orientation et ça faisait quelques fois qu’il tombait en raison d’un manque de tonus aux jambes.
« On essayait de le raisonner, mais c’est un homme de sa génération. Pour lui, l’affirmation de la masculinité, ça passe par le permis de conduire », a raconté M. Paradis.
Lors de son renouvellement de permis de conduire, M. Tremblay a écrit une lettre au médecin qui devait l’évaluer.
« Lorsque mon père est sorti avec le papier disant qu’il était apte à conduire, je suis allé voir le médecin et je lui ai dit : “Es-tu sérieux ?” Le médecin m’a dit que mon père n’avait rien à son dossier et qu’il n’a jamais eu d’accident », s’est-il rappelé.
PERDU
Le lendemain de sa consultation, une voisine a aperçu l’homme de 92 ans au volant de sa voiture roulant sur la voie cyclable.
Cette fois était de trop et M. Paradis a réécrit au médecin.
« …Maintenant, nous avons une bombe ambulante qui circule. Vous savez, voir son père perdre ses facultés est très difficile à gérer. Surtout lorsque le principal intéressé ne le perçoit pas… Dénoncer son père demande une bonne dose de courage », a-t-il écrit au médecin.
Peu après, la SAAQ a enfin enlevé son permis au père de M. Paradis.
Deux ans après les événements, M. Paradis aimerait que les conducteurs soient évalués plus sévèrement.
« Mon père ne porte pas de lunettes, il a une excellente vision, mais ça ne veut pas dire qu’il est apte à conduire », a-t-il dit.
La famille a voulu taire le nom de l’aîné par respect pour l’homme toujours en vie.
CATASTROPHE
Selon un instructeur et propriétaire de cinq écoles de conduite, André Lamarche, le Québec court à la catastrophe s’il ne revoit pas ses critères pour retirer un permis de conduire aux aînés en perte d’autonomie.
« Ils passent 10 minutes avec le médecin et si leur santé physique est bonne et qu’ils n’ont pas eu d’accident, ils conservent leur permis. C’est aussi simple que ça », selon l’expert qui évalue des personnes âgées sur la route depuis 20 ans.
« ON ESSAYAIT DE LE RAISONNER, MAIS C’EST UN HOMME DE SA GÉNÉRATION. POUR LUI, L’AFFIRMATION DE LA MASCULINITÉ, ÇA PASSE PAR LE PERMIS DE CONDUIRE » –Jean-Philippe Paradis