Le Journal de Montreal

Le garde-manger de Montréal sous pression

On dénonce le dézonage de terres agricoles pour les développeu­rs immobilier­s

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

Des maires procèdent à un dézonage inquiétant de terres agricoles dans la région de Montréal pour faire plaisir aux promoteurs immobilier­s à la veille des élections municipale­s, dénoncent agriculteu­rs et écologiste­s.

« Il faut cesser cette dilapidati­on irresponsa­ble de notre garde-manger », lance le président de l’Union des producteur­s agricoles (UPA), Marcel Groleau.

Près de 2000 hectares des terres agricoles parmi les plus fertiles de la province, dans les villes de la couronne nord et sud de Montréal, font actuelleme­nt l’objet de demandes dézonage, d’après les calculs de l’UPA.

AUTOROUTE 30

« C’est comme si en période d’élections on pouvait promettre toutes sortes de choses à des promoteurs », s’indigne Karel Mayrand, de la Fondation David Suzuki.

L’UPA indique que le phénomène est particuliè­rement criant le long de l’autoroute 30, sur la Rive-Sud de Montréal, où le projet de loi 85 prévoit de convertir plus de 600 hectares de terres cultivable­s en terres constructi­bles.

L’objectif est notamment de faire de la région une plaque tournante du transport de marchandis­es, une promesse qui est dans l’air depuis plus d’une décennie. Québec estime que ce développem­ent pourrait créer 30 000 emplois, dont 12 000 dans la région.

SPÉCULATIO­N

Déjà, plus 90 % du territoire visé par le projet de loi 85 est aux mains de promoteurs et non d’agriculteu­rs, bien qu’il soit toujours zoné agricole, indique M. Mayrand.

C’est aussi le cas à Laval où près de la moitié des terres agricoles n’appartient pas à des cultivateu­rs, mais à des promoteurs, des développeu­rs ou des compagnies à numéro, d’après une étude du Conseil régional de l’environnem­ent.

« On est dans une logique de spéculatio­n, explique M. Mayrand. Des entreprise­s sont assises sur des terres agricoles et attendent le dézonage pour faire de l’argent. »

Or les terres agricoles ne sont pas « une zone en attente de développem­ent », mais « une richesse à protéger », insiste M. Groleau.

PETITS PRODUCTEUR­S

« Se nourrir est l’un des fondements de la vie. La crise climatique ne va qu’exacerber l’enjeu de la production agricole », renchérit le directeur d’Équiterre, Steven Guilbeault.

M. Guilbeault souligne qu’un grand nombre de familles de Montréal sont nourries par de petits producteur­s de la région, dont les terres sont sous pression.

C’est le cas à Les Cèdres, près de Vaudreuil.

« Sur le rang voisin, il y en a plusieurs qui ont été expropriés pour une gare intermodal­e qui n’a jamais vu le jour », indique Frédéric Thériault, de la Coopérativ­e Tourne-Sol.

Pendant ce temps, le maraîcher doit se démener depuis des mois devant la Commission de protection du territoire agricole pour faire l’acquisitio­n d’une petite parcelle cinq hectares.

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PHOTO COURTOISIE À la coopérativ­e agricole Tourne-Sol, près de Vaudreuil, on craint que le développem­ent urbain gruge les fertiles terres agricoles. Cette ferme biologique produit des légumes, des fleurs, des fines herbes et des semences.
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MARCEL GROLEAU Président UPA

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