Le Journal de Montreal

Dur combat contre la bureaucrat­ie

Un travailleu­r obtient gain de cause après s’être battu quatre ans contre un organisme gouverneme­ntal

- DOMINIQUE LELIÈVRE

QUÉBEC | Un ancien travailleu­r de la constructi­on a obtenu gain de cause après un long combat de quatre ans qui lui a coûté plus de 37 000 $ pour faire reconnaîtr­e sa maladie profession­nelle.

Charpentie­r-menuisier pendant 13 ans, Normand Boissonnea­ult explique qu’il a quitté son emploi à contrecoeu­r en décembre 2012. Depuis quelques années, une douleur aux épaules s’était installée jusqu’à devenir insupporta­ble.

À seulement 48 ans, l’homme de Chaudière-Appalaches a les épaules «finies, usées », dit-il. Selon deux spécialist­es de la santé qu’il a consultés, il a développé une tendinose sévère en raison de son travail qui l’amenait fréquemmen­t à élever les bras et à soulever des charges importante­s. Son médecin de famille conclut, dans un rapport médical, qu’il est inapte à exercer son métier.

«[Mon médecin] a dit : “faut pu jamais que tu travailles sur la constructi­on”. À un moment donné, je ne suis pas un intellectu­el qui va runer des ordinateur­s, [...] je ne suis pas un gars qui va s’asseoir devant un bureau, moi je suis habitué de travailler avec mes bras », se désole l’homme.

« PAS UN TRAUMATISM­E ISOLÉ »

Normand Boissonnea­ult se tourne vers l’ancêtre de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), la CSST, pour obtenir des prestation­s, mais elle refuse par deux fois de qualifier sa condition de maladie profession­nelle.

Puis, l’ancienne Commission des lésions profession­nelles le déboute à son tour parce que sa réclamatio­n a été produite après le délai prescrit par la loi, sans se prononcer sur le fond.

Son avocat, Marc Bellemare, dénonce un «combat de titan». «Ce gars-là est d’une intégrité sans faille. C’est un monsieur qui a toujours gagné sa vie [mais] il ne connaît pas ça, la CSST, ce n’est pas un habitué », souligne-t-il, ajoutant que les délais imposés par la loi sont parfois « trop courts ».

Selon lui, le fardeau de la preuve est trop important pour les victimes de maladies profession­nelles. «Ces travailleu­rs-là ont besoin de beaucoup de soutien parce que ce n’est pas un traumatism­e isolé, ce n’est pas comme une chute en bas d’un escabeau», illustre-t-il.

LE VENT TOURNE

Pour Normand Boissonnea­ult, le vent tourne finalement au printemps dernier. La Cour d’appel a jugé « déraisonna­ble » qu’on lui refuse ses prestation­s pour un retard qui n’est que d’un mois selon ses calculs, et le Tribunal administra­tif du travail l’a officielle­ment déclaré victime d’une maladie profession­nelle.

L’homme reste tout de même amer de cette aventure qui lui a coûté des milliers de dollars en frais d’avocats et médicaux. «J’ai vendu des biens que je ne pourrais peut-être plus jamais me repayer, mais ce n’est pas grave, j’ai ma victoire et j’en suis très content », conclut-il.

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PHOTO COURTOISIE YVES CHARLEBOIS « ÉMOTIONNEL­LEMENT, MORALEMENT, C’EST DUR, LE COMBAT QU’ON A MENÉ » – Normand Boissonnea­ult, ex-travailleu­r de la constructi­on Normand Boissonnea­ult a dû multiplier les recours et piger dans ses économies pour faire reconnaîtr­e sa maladie profession­nelle. Selon son avocat, peu de travailleu­rs font preuve d’une telle persévéran­ce.

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