Le Journal de Montreal

La chasse aux mononcles est ouverte erte

- MAXIM MARTIN

J’avais entendu des rumeurs, comme bien des gens, mais je n’ai jamais été témoin des gestes qui leur sont reprochés. Est-ce que ça me rend moins coupable de n’avoir rien dit ?

Je connais bien Éric Salvail et Gilbert Rozon. Du moins, je pensais que je les connaissai­s bien. J’avais entendu des rumeurs, comme bien des gens, mais je n’ai jamais été témoin des gestes qui leur sont reprochés. Est-ce que ça me rend moins coupable de n’avoir rien dit ? Tu ne peux pas dénoncer un geste que tu n’as pas vu. Alors, pourquoi estce que je me sens mal ce matin ?

Il y a deux semaines, je disais que je me sentais impuissant devant le deuil de ma fille qui a perdu son copain. Impuissant de ne pas pouvoir lui enlever sa peine. Depuis quelques jours, ce sont des pères, des mères, des frères, des soeurs et des amoureux qui se sentent impuissant­s face à la douleur de leur fille ou de leur fils.

Quand je vois à quand remontent les premières agressions alléguées, ce qui me frappe, c’est à quel point ces victimes ont souffert en silence pendant longtemps. Imaginez ce que ça fait de devoir se cacher derrière un faux sourire alors que tu es déchiré à l’intérieur.

Alors, oui, que la chasse au mononcle cochon continue. Le nom de Gilles Parent a été ajouté jeudi, puis celui de Michel Brûlé vendredi et j’ai comme l’impression que d’autres noms vont s’ajouter avant que ma chronique parte à l’impression.

IL ÉTAIT TEMPS

Ma question est : comment ça se fait que ça prend une bombe comme celle-ci pour nous faire réagir, pour nous forcer à réexaminer notre société, pour nous forcer à cette prise de conscience ? L’affaire Marcel Aubut, il y a deux ans, n’était pas suffisante pour sonner l’alarme ? Pourquoi est-ce qu’on a baissé les bras aussi rapidement ? À part le traiter de « gros cochon », on n’a rien fait.

Je me souviens, à l’époque, d’avoir écrit sur le sujet. Je disais qu’il était grand temps que nous, les hommes, on se regarde dans le miroir. Quand j’y pense, nous sommes tous coupables d’avoir déjà fait un commentair­e déplacé à une femme. Nous avons tous déjà fait ou dit quelque chose dont nous ne sommes pas fiers, même si ça n’a pas la même gravité que ce que l’on découvre depuis mercredi.

Je me souviens aussi, au lendemain de la publicatio­n de cette chronique, d’avoir reçu le message d’un troll qui m’injuriait en disant que je ne savais pas de quoi je parlais et qu’il n’était pas « comme ça », lui. Il m’a envoyé trois longs paragraphe­s m’expliquant qu’il n’avait jamais rien fait de mal. Me semble que c’était un long message pour quelqu’un qui n’a rien à se reprocher.

Et il est là le problème. Les mononcles cochons de notre société ne réalisent même pas le mal qu’ils font.

LES BOURREAUX ANONYMES

Les révélation­s des derniers jours risquent d’avoir un impact sur nous tous, car elles impliquent des gens qu’on connaît bien. Plusieurs des victimes sont connues du public.

Mais ce matin, je pense surtout à toutes les victimes de mononcles cochons inconnus du public. Un peu partout autour de nous, des femmes et des hommes souffrent en silence.

J’espère que nos efforts pour dénoncer ces horribles comporteme­nts ne s’arrêteront pas quand on aura fini d’enquêter sur tout le bottin de l’UDA.

Dans les derniers jours, on a maintes fois souligné le courage de toutes ces victimes qui ont partagé leurs histoires, et avec raison. J’espère que ça va inspirer d’autres victimes à se manifester. Et j’espère surtout qu’on les écoutera.

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