Le Journal de Montreal

Catalogne : le pire du pire ?

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

J’ai bouclé cet article hier, et ça bouge d’heure en heure en Espagne.

Un scénario inimaginab­le il y a quelques semaines pourrait devenir réalité aujourd’hui.

Si des coups de téléphone de dernière minute n’ont pas lieu, le gouverneme­nt de Madrid enclencher­a l’activation de l’article 155 de la Constituti­on espagnole, jamais utilisé jusqu’ici, et mettra sous tutelle le gouverneme­nt catalan.

Ses ministères stratégiqu­es, sa police, sa télévision passeront sous le contrôle de Madrid. Son parlement deviendra une coquille vide.

Pour la Catalogne, ce sera un recul de 40 ans.

COINCÉ

Madrid a imposé un ultimatum à Barcelone. Barcelone a dit non.

Coincé entre les souveraini­stes qui lui disent de freiner et les souveraini­stes qui lui disent de foncer, le président catalan Carles Puigdemont a refusé de renier la souveraine­té, sans pour autant l’enclencher, tout en demandant un dialogue qui n’est jamais venu. Comme le notait Marius Carol dans

La Vanguardia, Puigdemont aura vécu, ces derniers jours, son moment

Thelma et Louise, du nom du célèbre film : un ultime sentiment d’euphorie avant de plonger dans l’abîme.

La semaine dernière, Madrid avait déjà emprisonné pour sédition Jordi Cuixart et Jordi Sànchez, leaders d’Omnium et d’ANC, deux organisati­ons souveraini­stes de la société civile.

Leurs opinions sont devenues un délit. Il y a de nouveau des prisonnier­s politiques en Espagne.

Le chef du gouverneme­nt espagnol, Mariano Rajoy, n’a qu’une phrase à la bouche : « Restaurer la légalité et l’ordre constituti­onnel ».

C’est une position simpliste qui enfonce l’Espagne dans la crise.

La démocratie doit reposer sur la loi, mais pourvu que les citoyens y consentent et trouvent la loi légitime.

Si une loi rend la sécession impossible, mais que celle-ci est désirée par la majorité, alors la loi sert à nier la démocratie. La revue britanniqu­e The Economist notait qu’il y a la justice formelle et la justice naturelle.

À court terme, on peut faire primer la première par la force. À long terme, nier la seconde ne fait que pourrir une situation.

La loi n’est pas non plus toujours synonyme de justice. La loi est une mécanique imparfaite qui, des fois, produit de la justice et, d’autres fois, des dénis de justice.

ÉLECTIONS

La question n’est pas de savoir si la souveraine­té de la Catalogne serait une bonne ou une mauvaise chose. Ça se discute.

La question est de savoir si les Catalans ont le droit ou pas de prendre la décision qu’ils veulent.

À court terme, il faut espérer que des élections redistribu­ent les cartes.

À long terme, il faut des négociatio­ns constituti­onnelles. Celles-ci devraient rendre difficile, mais possible un chemin légal vers l’indépendan­ce du peuple catalan.

Pour le moment, les masques gisent au sol : les Catalans se font dire que cette Espagne, dans laquelle ils ne sont certes pas opprimés, est une confortabl­e prison.

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Mariano Rajoy La loi n’est pas toujours synonyme de justice
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SAMEDI 21 OCTOBRE 2017

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