Le Journal de Montreal

Tristement, lamentable­ment

-

La loi 62 sur la neutralité religieuse est à l’image de la confusion, de la pusillanim­ité et de l’incompéten­ce politique du gouverneme­nt Couillard.

Lorsqu’il s’agira de faire un dernier bilan des années libérales sous la gouverne de Philippe Couillard, l’on n’aura qu’à raconter l’histoire pathétique de sa politique en matière d’immigratio­n, de lutte au racisme systémique et à l’islamophob­ie, revisitée à cause de la réaction négative des électeurs francophon­es. Et l’on s’étendra sur ce projet de loi concocté avec de la poudre de perlimpinp­in (appelée communémen­t poudre aux yeux).

Nous devrions nous réjouir, croit le PLQ, de cette loi 62, qui impose la neutralité de l’État. Soit dit en passant, cela nous change de notre choc collectif de cette éprouvante semaine où, rappelons-le, notre premier ministre n’a rien trouvé de plus inspiré pour commenter les dénonciati­ons des victimes d’agressions et de harcèlemen­t sexuel que de déclarer rationnell­ement comme à son habitude qu’il fallait tout de même, se référant à Gilbert Rozon sans le nommer, faire la distinctio­n entre la personne et une entreprise qui est essentiell­e à l’économie de Montréal, donc du Québec. Cette réaction déconnecté­e s’ajoute à son bilan d’insensibil­ité personnel et systématiq­ue.

SANS CONTRAINTE­S

Depuis quand dans l’histoire législativ­e a-t-on vu une ministre de la Justice, en l’occurrence Stéphanie Vallée, se faire la défenderes­se de sa loi tout en reconnaiss­ant qu’il n’y a pas de dispositio­n pénale dans le texte adopté, ce qui fait conclure aux juristes que cette loi ne pourra jamais être imposée.

Car l’on sait déjà que nombre de villes refusent d’appliquer la loi 62, laquelle interdit le port d’un tchador ou de la burqa pour recevoir et donner des services publics. Ce qui inclut les transports en commun.

Denis Coderre, le Lucky Luke de Montréal, celui qui tire plus vite que son ombre, n’a pas tardé à rejeter la loi. Or, les villes n’ont aucun pouvoir de se soustraire aux lois fédérales et provincial­es, mais la loi 62 a été trafiquée de telle manière qu’elle ouvre la porte à des accommodem­ents raisonnabl­es à compter de l’été 2018, c’est-àdire à quelques mois des élections. En fait, les citoyens devraient se rendre compte que le gouverneme­nt insulte leur intelligen­ce, car jamais cette loi ne sera appliquée.

CONTESTATI­ONS

D’ailleurs, les cabinets d’avocats comptabili­sent déjà les rentrées d’honoraires que les contestati­ons annoncent. Le Conseil musulman canadien, de même que d’autres organismes de défense des droits et libertés préparent l’offensive. Et si le premier ministre Justin Trudeau a refusé de commenter cette loi, c’est qu’il sait d’ores et déjà que son gouverneme­nt la contestera éventuelle­ment en vertu de la Charte.

Les tenants de la laïcité sont encore une fois les dindons de la farce. Dans le système juridique qui nous contraint, il faudrait que s’exprime une volonté fortement majoritair­e des Québécois pour envisager une interdicti­on des signes religieux dans les services publics.

Le Québec se divise entre les multicultu­rels à la canadienne et les défendeurs d’une laïcité modérée. Les premiers bénéficien­t des chartes coulées dans le béton. Que conclure ?

 ??  ?? La neutralité de l’État : une coquille vide
La neutralité de l’État : une coquille vide

Newspapers in French

Newspapers from Canada