Briser le silence
Dans la discussion publique que nous avons présentement sur ce que les médias appellent pudiquement « inconduites sexuelles », on sent que plusieurs intervenants sont complètement largués.
C’est compliqué, parce que parmi les gestes dont il est question cette semaine, certains vont du choix de mots inapproprié à l’agression sexuelle pure et simple. Ces actes ne commandent pas tous le même traitement ni la même sanction.
PAS UNE AFFAIRE JUDICIAIRE
Le commentaire le plus ridicule que l’on puisse faire sur ce qui se passe actuellement, c’est probablement de dire qu’il faudrait attendre de voir des accusations être portées avant de s’exprimer publiquement.
L’ennui, c’est que plusieurs des gestes qui nous préoccupent ne sont même pas proscrits par le Code criminel. La police n’ouvre pas une enquête pour une main aux fesses et on sait qu’il est rare qu’une agression sexuelle soit punie par la justice.
Ce dont il est question ici, ce n’est pas d’une ou de plusieurs affaires judiciaires. La discussion qui est en cours porte sur les moeurs de notre société en général et du monde du travail en particulier. Sur ce que nous jugeons acceptable ou pas.
PRISE DE PAROLE
À la limite, l’identité des personnes visées est un prétexte, dans toute cette histoire. Ce qui importe, c’est la prise de parole des personnes victimes. Surtout, que celles-ci soient entendues pour que nos mentalités évoluent en conséquence.
Marcel Aubut n’a jamais fait l’objet d’accusations criminelles pour des comportements qu’il a lui-même reconnus comme inappropriés. Aurions-nous dû nous abstenir d’en discuter publiquement ? C’eût été une occasion manquée.
Il faut en jaser donc. Le faire à l’échelle de toute la collectivité. Le faire dans nos équipes de travail. Le faire dans nos familles et dans nos couples.
CONFORT ET SÉCURITÉ
En profiter, pourquoi pas, pour nommer des malaises qu’on croyait oubliés. Pour pouvoir nous amender entre nous, se reconnaître les uns les autres et se dire, sans que ça passe par les médias : « Tu as eu raison de te sentir comme ça, je n’avais pas d’affaire à agir comme ça avec toi. »
Briser le silence, il est là, l’enjeu. Permettre à des personnes qui se sont vues rabaissées à la portion physique de leur personne de reprendre leur dignité par la parole et de mettre des mots sur leur ressenti. Briser le silence aussi si c’est pour dire « c’est ma faute » ou « je m’excuse ».
Le succès de ce qui se passe présentement ne se mesurera pas au nombre de personnes en prison ou aux empires qui s’effondreront. Il se mesurera au confort et à la sécurité auxquels toutes et tous ont droit et qu’on voudrait voir survenir dans nos milieux.
C’est plate, ce qu’on vit. Ce n’est pas agréable. Mais si on le fait en restant empathique envers celles et ceux qui s’expriment, ce sera utile.