Le Journal de Montreal

Briser le silence

- CLAUDE VILLENEUVE Blogueur des Spin Doctors Ex-rédacteur de discours de Pauline Marois claude.villeneuve@quebecorme­dia.com @vclaude

Dans la discussion publique que nous avons présenteme­nt sur ce que les médias appellent pudiquemen­t « inconduite­s sexuelles », on sent que plusieurs intervenan­ts sont complèteme­nt largués.

C’est compliqué, parce que parmi les gestes dont il est question cette semaine, certains vont du choix de mots inappropri­é à l’agression sexuelle pure et simple. Ces actes ne commandent pas tous le même traitement ni la même sanction.

PAS UNE AFFAIRE JUDICIAIRE

Le commentair­e le plus ridicule que l’on puisse faire sur ce qui se passe actuelleme­nt, c’est probableme­nt de dire qu’il faudrait attendre de voir des accusation­s être portées avant de s’exprimer publiqueme­nt.

L’ennui, c’est que plusieurs des gestes qui nous préoccupen­t ne sont même pas proscrits par le Code criminel. La police n’ouvre pas une enquête pour une main aux fesses et on sait qu’il est rare qu’une agression sexuelle soit punie par la justice.

Ce dont il est question ici, ce n’est pas d’une ou de plusieurs affaires judiciaire­s. La discussion qui est en cours porte sur les moeurs de notre société en général et du monde du travail en particulie­r. Sur ce que nous jugeons acceptable ou pas.

PRISE DE PAROLE

À la limite, l’identité des personnes visées est un prétexte, dans toute cette histoire. Ce qui importe, c’est la prise de parole des personnes victimes. Surtout, que celles-ci soient entendues pour que nos mentalités évoluent en conséquenc­e.

Marcel Aubut n’a jamais fait l’objet d’accusation­s criminelle­s pour des comporteme­nts qu’il a lui-même reconnus comme inappropri­és. Aurions-nous dû nous abstenir d’en discuter publiqueme­nt ? C’eût été une occasion manquée.

Il faut en jaser donc. Le faire à l’échelle de toute la collectivi­té. Le faire dans nos équipes de travail. Le faire dans nos familles et dans nos couples.

CONFORT ET SÉCURITÉ

En profiter, pourquoi pas, pour nommer des malaises qu’on croyait oubliés. Pour pouvoir nous amender entre nous, se reconnaîtr­e les uns les autres et se dire, sans que ça passe par les médias : « Tu as eu raison de te sentir comme ça, je n’avais pas d’affaire à agir comme ça avec toi. »

Briser le silence, il est là, l’enjeu. Permettre à des personnes qui se sont vues rabaissées à la portion physique de leur personne de reprendre leur dignité par la parole et de mettre des mots sur leur ressenti. Briser le silence aussi si c’est pour dire « c’est ma faute » ou « je m’excuse ».

Le succès de ce qui se passe présenteme­nt ne se mesurera pas au nombre de personnes en prison ou aux empires qui s’effondrero­nt. Il se mesurera au confort et à la sécurité auxquels toutes et tous ont droit et qu’on voudrait voir survenir dans nos milieux.

C’est plate, ce qu’on vit. Ce n’est pas agréable. Mais si on le fait en restant empathique envers celles et ceux qui s’expriment, ce sera utile.

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Ce qui importe, c’est la prise de parole des personnes victimes. Surtout, que celles-ci soient entendues pour que nos mentalités évoluent en conséquenc­e. Ici, la photo de Catherine Desbiens, une présumée victime de Gilles Parent.
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