Les risques de l’Inflammation
Les résultats d’une importante étude clinique montrent que le canakinumab, un nouveau médicament anti-inflammatoire, diminue le risque d’infarctus du myocarde et de cancer du poumon, confirmant le rôle essentiel de l’inflammation dans le développement de ces maladies.
UN FEU QUI COUVE
L’inflammation est une réaction de défense orchestrée par notre système immunitaire pour éliminer des agents pathogènes à l’aide de molécules très réactives et irritantes. Ce type d’inflammation aiguë est facilement reconnaissable par des sensations de chaleur, de douleur, de rougeur ou encore de gonflement. Cette inflammation doit être de courte durée, par contre, car lorsqu’elle devient chronique, la présence continue de molécules inflammatoires devient extrêmement irritante pour les tissus touchés et peut provoquer des douleurs intenses au site de l’inflammation, comme c’est le cas dans l’arthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn, et autres maladies inflammatoires.
L’inflammation chronique peut aussi être beaucoup plus insidieuse et se développer sans signe apparent, mais néanmoins créer un climat qui perturbe le fonctionnement des cellules présentes dans l’environnement enflammé. Ce type d’inflammation chronique joue un rôle particulièrement important dans le développement des deux principales maladies qui touchent la popula- tion canadienne, soit les maladies cardiovasculaires et le cancer, et la réduction de ce type d’inflammation pourrait en conséquence représenter un aspect crucial de la prévention de ces maladies.
INFLAMMATION ET MALADIES CARDIOVASCULAIRES
L’approche standard pour prévenir des événements cardiovasculaires comme l’infarctus du myocarde et les AVC consiste à réduire les taux sanguins de cholestérol-LDL (le mauvais cholestérol) à l’aide de médicaments comme les statines. Par contre, plusieurs études cliniques ont montré que cette diminution ne parvient pas à éliminer complètement le risque de maladies cardiovasculaires. Par exemple, les patients qui ont subi un infarctus du myocarde et qui sont traités avec une statine demeurent à haut risque de récidive, avec environ 30 % d’entre eux qui décèdent dans les deux années qui suivent le début du traitement, et ce, en dépit d’une réduction importante du cholestérol-LDL.
Les résultats de l’étude clinique CANTOS (Canakinumab ANtiinflammatory Thrombosis Outcome Study) suggèrent que l’inflammation chronique pourrait grandement contribuer à ce risque résiduel élevé. Dans cette étude randomisée à double insu, l’impact d’un anticorps dirigé contre la protéine inflammatoire interleukine-1 a été testé pendant 48 mois auprès de 10 061 patients ayant subi un infarctus du myocarde et qui présentaient des taux sanguins élevés de la protéine C réactive, un marqueur bien établi d’inflammation. En plus du traitement standard avec une statine, un groupe de patients n’a pas reçu de traitement additionnel (placebo) tandis que les autres groupes recevaient des doses croissantes de canakinumab, l’anticorps antiinterleukine développé par la compagnie Novartis. Les résultats obtenus sont intéressants : l’anticorps diminue drastiquement les taux sanguins des marqueurs inflammatoires et cette diminution s’accompagne d’une réduction significative (environ 15 %) du risque relatif de certains paramètres mesurés dans l’essai (« primary endpoints »), soit l’infarctus du myocarde non fatal, l’AVC non fatal et la mortalité cardiovasculaire(1). Cette protection est indépendante des niveaux de cholestérol, ce qui confirme que la réduction de l’inflammation représente une nouvelle avenue pour prévenir les récidives chez les patients cardiaques à haut risque.
INFLAMMATION ET CANCER
Dans un autre article publié simultanément dans le journal britannique Lancet, le même groupe rapporte que l’anticorps à l’étude pourrait également prévenir le développement du cancer(2). En comparant l’incidence de cancer entre les différents groupes, les chercheurs ont observé une diminution de 14 % chez ceux traités avec 50 mg d’anticorps, de 22 % avec 100 mg et de 51 % avec 300 mg. La quasi-totalité de cette diminution est due à une réduction du cancer du poumon, celui-ci étant diminué de 77 % chez les patients traités avec 300 mg d’anticorps. Selon les chercheurs, il est probable que ces cellules cancéreuses étaient présentes dans un état latent et indétectable au début de l’étude et que leur progression ait été ralentie par l’effet anti-inflammatoire de l’anticorps.
MODE DE VIE ANTI-INFLAMMATOIRE
Les résultats de cette étude sont importants, car ils représentent une des premières preuves cliniques qu’une réduction de l’inflammation diminue le développement des maladies cardiovasculaires et du cancer, les deux principales causes de mortalité dans notre société. Il n’est cependant pas nécessaire d’attendre l’arrivée de ces médicaments sur le marché pour profiter des bienfaits associés à cette réduction de l’inflammation : cesser de fumer, faire de l’exercice, demeurer aussi mince que possible et adopter une alimentation riche en végétaux (le régime méditerranéen, par exemple) sont tous des moyens concrets de renverser l’inflammation chronique et ainsi réduire le risque de maladies cardiovasculaires, de cancer et des maladies chroniques en général.
Ridker PM et coll. Anti-inflammatory therapy with canakinumab for atherosclerotic disease. N Engl. J. Med., publié en ligne le 27 août 2017.
Ridker PM et coll. Effect of interleukin-1 inhibition with canakinumab on incident lung cancer in patients with atherosclerosis: exploratory results from a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet, publié en ligne le 27 août 2017.