Un analphabète fonctionnel en quête de son diplôme
Celui qui a doublé son secondaire 1 quatre fois était la risée de ses collègues et amis
SHAWINIGAN | Martin Lord était à peine capable d’écrire quelques mots lorsqu’il a pris la décision la plus importante de sa vie en 2011 à l’âge de 32 ans, soit de retourner à l’école. Il s’apprête maintenant à terminer son secondaire.
Martin Lord était un analphabète fonctionnel. Il écrivait quelques mots en lettres majuscules et savait se débrouiller, mais comprendre un article de journal était difficile.
Il avait abandonné l’école à l’âge de 18 ans, après avoir doublé son secondaire 1 quatre fois.
Martin Lord n’a jamais eu de diagnostic pour expliquer ses troubles d’apprentissage, mais apprendre était très difficile pour lui. Les autres adolescents le méprisaient. « J’étais bien gêné à cause de toute l’intimidation que j’ai subie. J’ai mangé des volés, et je me faisais dire des affaires comme « t’es donc ben laid » ou bien « ta mère t’a manqué », raconte-t-il.
Après avoir abandonné l’école, il a continué de se faire taquiner par ses collègues de travail. En plus d’être méchants, ses collègues lui faisaient des mauvais coups, comme mettre de la colle dans ses gants.
« J’ai connu l’enfer. J’en ai braillé. Ils étaient toujours sur mon dos. Je n’avais pas de blonde, et ils trouvaient ça bien drôle. Ça passait leur temps à rire de moi », dit-il.
Son seul répit était de retourner à la maison pour consommer du cannabis, pour oublier ses idées noires.
« C’était ça qui me soulageait. Je me sentais bien et j’oubliais tout », raconte-t-il.
ASSEZ C’EST ASSEZ !
Un jour, il en a eu marre de ses collègues et de son emploi pas payant, et a pris la décision de retourner sur les bancs d’école. C’était en 2011, il avait alors 32 ans.
« Je me disais que travailler avec des gens qui ont leur diplôme, ça ne doit pas être comme travailler avec des gens qui ne s’aiment pas et qui se défoulent sur les autres parce qu’ils n’ont rien dans la vie», explique-t-il.
Il a passé une bonne partie de la première année en alphabétisation, aux Centre d’éducation des adultes du Saint-Maurice, à Shawinigan.
« Pendant six mois, c’est juste ça que j’ai fait. Écrire des lettres et des mots, lire des articles. La base du primaire », dit-il.
Au début, il avait extrêmement peur du jugement des autres. Il a tout de même enchaîné son anglais, ses mathématiques et son français, pendant 6 ans. Aujourd’hui, il ne lui reste que son français de secondaire 5 à terminer, ce qu’il souhaite accomplir d’ici les Fêtes.
Il fait actuellement six heures de français par jour, quatre jours par semaine, avec des bouchons dans les oreilles pour mieux se concentrer.
DE LA CONFIANCE
Martin Lord a retrouvé confiance en lui au fur et à mesure qu’il a avancé dans son parcours académique.
Après son secondaire 5, il veut faire son diplôme d’études professionnelles en machinerie.
« J’ai découvert que j’étais quand même assez brillant. Je me trouvais toujours nul, bon à rien. On m’a dit ça toute ma vie. Je viens de voir que je suis capable de le faire », dit-il, fier.