Le Journal de Montreal

Quel avenir pour les humoristes ?

- DENISE BOMBARDIER Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure denise.bombardier @quebecorme­dia.com

On ne doit pas s’étonner que parmi la cohorte d’humoristes au Québec une proportion importante des plus populaires, ceux qui vendent des centaines de milliers de billets, qui sont donc les plus riches, ait le « cul » comme fonds de commerce.

Ajoutons à cela qu’ils ont fait souvent leur classe dans la foulée de Juste pour rire et que plusieurs appartienn­ent à l’écurie à ce jour toujours propriété de Gilbert Rozon. Le thème de la sexualité n’est pas réservé aux humoristes québécois. C’est un thème universel, mais il n’est pas exagéré d’affirmer que certains comiques qui font exploser les recettes tirées du commerce du rire ne passeraien­t pas la rampe dans plusieurs pays comparable­s au nôtre. Les Québécois, c’est bien connu, parlent cru, confondent humour et indécence et donnent à penser que le « hors de l’Église, point de salut » d’antan est devenu « hors du sexe, point de salut ».

LIMITES INDÉFINIES

Puisque la tolérance se définit par ses limites, il est évident que le public friand de « cul » repousse les limites au-delà de l’imaginable. De plus, certains de ces humoristes se révèlent des spécialist­es de la liberté d’expression dès que certains « frustrés » — c’est leur terme — émettent quelques réserves à leur endroit. Pour être plus précis, des critiques négatives sont dangereuse­s car elles pourraient mettre un frein à leur succès, c’est-à-dire nuire à leur popularité car les revenus de ces humoristes se calculent dans les six ou sept chiffres.

Normal car le sexe est très souvent plus payant que l’humour raffiné, spirituel et intelligen­t. D’ailleurs, le public des humoristes dits « hard » s’ennuie dès que l’humour se situe en haut de la ceinture. Il en redemande toujours plus vers le bas. Comme disait ma feue gentille belle-mère pour définir l’intolérabl­e, « c’est un genre ».

Or depuis une semaine le Québec vient d’entrer de plain-pied dans la nouvelle révolution sexuelle dont les effets se feront sentir à travers tout l’Occident démocratiq­ue, lieu des libertés. Mais nous devons désormais comprendre que les libertés ont le dos large. Les harceleurs sérieux ou humoristes se retrouvent dans l’équivalent de la résidence surveillée dans le domaine politique. Une épée de Damoclès est au-dessus de leur tête.

PROFIL BAS

Certains humoristes ont dénoncé Gilbert Rozon, mais d’autres devenus millionnai­res sous sa gouverne gardent profil bas. Il est évident que les humoristes « hard » doivent éprouver un sentiment de malaise, ni beau ni confortabl­e. Car cette révolution sexuelle remet en question la

morale sociale, les moeurs personnell­es et une conception des relations hommes femmes différente de celle que commande la rectitude politique.

Tous les comporteme­nts sexuels déplacés ne sont pas de nature criminelle. Et la liberté d’expression ne doit pas être freinée. Mais on ne peut imaginer que l’avenir des humoristes dont le contenu explicite alimente les fantasmes des harceleurs sexuels ne fera pas l’objet de débats et d’interrogat­ions.

Qui a envie de rire depuis quelques jours ? Les humoristes qui vantent les mâles harceleurs en rut permanent apparaisse­nt soudain pathétique­s.

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Gilbert Rozon
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