Le Journal de Montreal

Digne de la « maison des fous »

- KATHRYNE LAMONTAGNE

QUÉBEC | Alors que la ministre de la Justice est « persuadée » que la loi sur la neutralité religieuse passera le test des tribunaux, des experts taillent en pièces cette législatio­n digne de la « maison des fous ».

« Comme constituti­onnaliste, si vous venez me consulter, je vais vous la faire casser demain matin », lance l’avocat Guy Bertrand. « Une loi qui est trop vague, générale, impersonne­lle, difficile d’applicatio­n, c’est la première chose qu’on plaide en droit constituti­onnel. Quand c’est flou, on casse les lois », dit-il.

MANQUE DE CLARTÉ

L’avocat et professeur Louis-Philippe Lampron abonde en ce sens et évalue que la législatio­n ne respecte pas le principe de justice fondamenta­le selon lequel les « lois doivent être rédigées de manière suffisamme­nt précise pour produire des résultats clairs ». À ses yeux, le fait que la ministre Stéphanie Vallée ait déclaré qu’il faudrait avoir le visage découvert pour toute la durée d’un trajet un autobus, avant de se rétracter et d’affirmer le contraire, est « pas mal un indice » de ce manque de clarté.

Ces experts critiquent aussi l’absence de sanction dans la loi sur la neutralité religieuse. Pour l’ancien ministre libéral et professeur de droit à l’Université d’Ottawa Benoit Pelletier, une sanction « enverrait un signal que c’est une loi qui a des dents, par opposition à une loi qui a strictemen­t une valeur de symbole ».

AUCUNE EXCEPTION

De plus, la pièce ne prévoit aucune exception précise au visage découvert. Elle s’en remet aux chartes ainsi qu’à des balises qui ne seront dévoilées que d’ici juin 2018 pour gérer les demandes d’accommodem­ents. « C’est la maison des fous », juge le professeur Lampron.

La loi prône l’échange de services publics à visage découvert pour des motifs de sécurité, d’identifica­tion et de communicat­ion. À l’heure actuelle, on peut déjà demander à une personne de se découvrir le visage pour les deux premières raisons, fait savoir Me Lampron. Le motif de « communicat­ion », qui forcerait notamment le visage découvert dans les salles de classe, risque de poser problème. « Il y a fort à parier que, pour les bénéficiai­res de services publics, ça ne sera pas jugé comme étant un motif suffisant pour exiger le retrait du niqab », soutient le professeur.

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