Trudeau et le Lac-Saint-Jean
La victoire du PLC dans l’élection partielle de Lac-Saint-Jean, lundi soir, en a laissé plusieurs perplexes. Pour la première fois en 37 ans, il a remporté cette circonscription.
Comment est-ce possible ? Est-ce que ce bastion historique du nationalisme québécois s’est converti au trudeauisme ? Quelle signification donner à ce vote qui intéresse les analystes bien au-delà du Lac-Saint-Jean ?
MODE
Relativisons d’abord les choses. Si le PLC a gagné, ce n’est pas une vague qui l’a porté. Il a profité de la division en profondeur de l’opposition. C’est de bonne guerre. La politique fonctionne ainsi.
Mais ne voyons pas dans la partielle de Lac-Saint-Jean un mini-référendum avec une signification idéologique. Ce qu’elle nous rappelle, en fait, c’est que nous sommes encore, au Québec, sous le charme médiatique de Justin Trudeau. Il faut dire que les médias l’idéalisent aussi.
Il ne faut pas oublier non plus que les Québécois votent aussi spontanément pour un des leurs lorsqu’il peut diriger le Canada, comme ils votèrent en d’autres temps pour le père de Justin. Et cela, même si ce Québécois lutte contre les intérêts de son peuple.
Sauf pour une petite minorité de l’électorat, ceux qui votent pour Justin Trudeau le font moins pour ses idées que pour son image.
Ils le trouvent jeune, beau, ils aiment sa femme et sa famille, ils aiment le fait qu’on l’aime à travers le monde parce qu’on en a fait un symbole de la modernité canadienne.
La popularité de Justin Trudeau, de ce point de vue, témoigne moins d’une adhésion à sa politique que d’une dépolitisation en profondeur de la population, qui se laisse aisément manipuler par une campagne de marketing.
Et c’est de cela qu’il faut s’inquiéter. Longtemps, les électeurs ont voté en fonction de convictions politiques fortes. Ou alors, ils héritaient d’une culture politique familiale qui structurait leur vision du monde. Bleu ou rouge, péquiste ou libéral, on votait ainsi de père en fils.
Je ne dis pas que cela était vertueux, même s’il n’y a rien de mal à avoir les convictions de son milieu. Mais cela donnait à l’individu un certain ancrage politique. Il était moins manipulable. Le débat politique était plus structuré et peut-être plus riche.
POLITIQUE
L’électeur consommateur voit les choses autrement. Il a une mémoire politique diminuée. Il vit et vote au jour le jour. Il peut s’enthousiasmer pour le produit de l’heure. Cela donne, au Canada, le phénomène Trudeau et en France, le phénomène Macron.
Cela ne veut pas dire que les politiciens qui en profitent n’ont pas d’idées. Ils en ont, et une fois au pouvoir, ils les appliquent. Mais ce n’est pas pour leurs idées qu’on vote pour eux. Qu’on me pardonne de le redire.
On est en droit de croire que c’est moins l’identité québécoise des électeurs du Lac-Saint-Jean qui a régressé que leur capacité à résister aux modes médiatiques. C’est aussi grave.