Le Journal de Montreal

Un dernier ALBUM INTIME

Une semaine après sa mort, Gord Downie nous dit au revoir de belle façon

- Cédric Bélanger

À moins d’avoir le pire des coeurs de pierre, on ne peut rester insensible devant les touchants adieux musicaux de Gord Downie sur Introduce Yerself. Une semaine après son décès des suites d’un cancer du cerveau, la voix du groupe canadien The Tragically Hip offre un dernier album à la fois intime, poignant, mais aussi lumineux.

J’appréhenda­is la découverte d’Introduce Yerself, oeuvre testament au même titre que le Blackstar de David Bowie et le You Want it Darker de Leonard Cohen, deux albums parus peu de temps après le décès de leurs créateurs. Malgré leurs indéniable­s qualités artistique­s, il se dégageait de ces ultimes offrandes une sombre lourdeur qui m’a incité à espacer les séances d’écoute.

Pas de ça ici. Oui, et surtout si vous êtes un fan invétéré de Downie et des Hip, vous serez ému plus d’une fois. Je pense à Wolf’s Home, dans laquelle la voix chevrotant­e de Downie semble parfois sur le point de se briser sous le coup de l’émotion. Dans la jolie Bedtime, c’est le papa de quatre enfants qui s’exprime avec une tendresse déchirante.

Plus loin, Love Over Money s’adresse directemen­t à ses compagnons et amis des Tragically Hip. The North fait écho à son dernier combat en faveur de la réconcilia­tion avec les Premières Nations. Sa femme, sa première blonde, les Bruins de Boston (son équipe de hockey favorite), chacune des 23 pièces est une invitation à découvrir un morceau de la vie de cet artiste d’un altruisme hors du commun.

Écrit et composé avec Kevin Drew (Broken Social Scene), Introduce Yerself affiche un tonus musical étonnant. Même si l’heure était aux adieux, Downie ne s’est pas contenté d’aligner une série de ballades larmoyante­s. Des titres comme Spoon, A Natural et Ricky Please fournissen­t même des occasions de taper du pied.

Malgré ce soupçon de légèreté, la lucidité face à sa fin inéluctabl­e transparaî­t dans d’autres titres comme Yer Ashore (there’s no fighting anymore, we’re ashore, chante-t-il) ou le cri de douleur à crever le coeur que Downie échappe à la fin de Safe is Dead.

ADULÉ AU CANADA

Au Canada anglais, où sa mort a créé une onde de choc, cet album cimentera le statut d’icône nationale de Gord Downie. Là-bas, on le vénère. Comme me l’expliquait un membre de ma famille vivant en Ontario, les chansons de Downie et des Hip sont liées à plusieurs moments importants de sa vie. Il a un peu l’impression, comme tant d’autres d’avoir perdu un compagnon de route.

En raison principale­ment de la barrière de la langue, le Québec francophon­e n’a cependant jamais ressenti le même attachemen­t envers Downie. Heureuseme­nt, ses chansons vont lui survivre et il ne sera jamais trop tard pour replonger dans le répertoire de cet être humain d’exception.

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