Le Journal de Montreal

Son médecin ignorait les risques du lithium

Rendue malade, sa patiente a été obligée de subir une greffe de rein

- HÉLOÏSE ARCHAMBAUL­T ET HUGO DUCHAINE « C’est tellement surprenant, que c’est difficile à croire. (…) Elle n’a pas la connaissan­ce sur l’effet le plus grave du médicament qu’elle prescrit », a commenté le

Une patiente bipolaire qui s’est fait prescrire du lithium pendant 20 ans par sa médecin de famille, qui ignorait les risques de ce médicament toxique, a développé une maladie du rein tellement grave qu’elle a dû subir une greffe d’organe.

« J’ignorais que le lithium pouvait amener à une détériorat­ion des fonctions rénales », a témoigné la Dre Jocelyne Paulin devant le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (CMQ), mardi.

ATTITUDE « DÉSINVOLTE »

Omnipratic­ienne à Valleyfiel­d, cette dernière a plaidé coupable à trois chefs d’infraction­s, notamment pour manque de suivi et négligence à un traitement.

« On se demande comment un médecin peut prescrire le lithium pendant vingt ans sans savoir ce qu’on apprend en deuxième année de médecine », a résumé le Dr Louis Prévost, syndic du CMQ.

« C’est tellement surprenant, que c’est difficile à croire », a-t-il dit, qualifiant l’attitude de la Dre Paulin de « désinvolte ».

L’histoire concerne une patiente bipolaire, dont l’identité est protégée, qui était suivie en première ligne par la Dre Paulin. Dès 1993, la profession­nelle lui a prescrit et renouvelé des doses de lithium pour stabiliser sa santé mentale. Selon le syndic, cette patiente était l’unique cas de maladie bipolaire que Dre Paulin suivait.

Qualifié de « toxique », le lithium peut notamment entraîner des problèmes rénaux et doit faire l’objet d’un suivi serré, a expliqué le syndic mardi.

LES REINS ATTAQUÉS

Dès 2010, les signaux d’alarme étaient visibles sur les examens de lithémie (taux de lithium) de la patiente, selon le syndic, qui reproche à la médecin de les avoir ignorés. Durant quatre ans, aucun test supplément­aire n’a été fait à cet égard.

Or, la patiente a consulté des spécialist­es pour plusieurs problèmes (perte de cheveux, tremblemen­ts, problèmes aux sinus, etc.).

« Je ne m’explique pas pourquoi ce test m’est passé sous les yeux », a témoigné la Dre Paulin.

En 2014, la patiente a appris qu’elle avait un grave problème d’insuffisan­ce rénale chronique.

« Madame se fait dire : “Vos reins sont attaqués par le lithium” », a témoigné le Dr Prévost. En janvier 2016, elle a dû subir une greffe d’organe.

Le syndic demande une radiation temporaire de six mois, et la défense a proposé une sanction de deux mois et demi.

« Ce n’est pas une erreur, c’est de la négli- gence, c’est de la nonchalanc­e, a plaidé Me Nathalie Vuille, avocate du syndic. On ne peut pas dire qu’on ne le savait pas. »

À l’opposé, l’avocate de la Dre Paulin a parlé de « malheureus­e inadvertan­ce ».

« À cette époque, elle n’avait pas de doutes sur sa méconnaiss­ance, donc elle ne s’est pas remise en question », a plaidé Me Emmy Serikawa.

L’omnipratic­ienne n’avait pas d’antécédent­s disciplina­ires. Le Conseil a pris la cause en délibéré, et doit rendre une décision d’ici 90 jours.

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PHOTO CHANTAL POIRIER (57118539.JPG) La Dre Jocelyne Paulin a plaidé coupable aux trois chefs d’infraction­s, mais a témoigné qu’elle ignorait les risques potentiels du lithium sur les fonctions rénales.

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