Le Journal de Montreal

Les clauses de confidenti­alité accusées d’avoir prolongé l’omerta

-

LOS ANGELES | Comment Harvey Weinstein, accusé par une cinquantai­ne de femmes de harcèlemen­t ou agressions sexuelles, a-t-il pu perpétuer si longtemps ces actes présumés ? En forçant juridiquem­ent les victimes au silence, comme l’ont également fait la star de Fox News Bill O’Reilly et Bill Cosby, entre autres.

Les accords à l’amiable avec les victimes présumées sont accusés d’avoir prolongé l’omerta, en raison des clauses de confidenti­alité qu’ils comportent.

Dans l’affaire Weinstein, ces dernières ont « clairement joué un très grand rôle puisqu’on voit qu’il y a eu de nombreux accords amiables dans lesquels des femmes auraient pu porter plainte pour harcèlemen­t sexuel ou parler publiqueme­nt », constate Ariela Gross, professeur­e de droit à l’université USC en Californie.

SILENCE ACHETÉ

De nombreuses victimes ont reçu des sommes d’argent importante­s pour acheter de facto leur silence, comme l’a raconté dans le Financial Times une ex-collaborat­rice du producteur déchu, Zelda Perkins. « Je veux publiqueme­nt briser mon accord de confidenti­alité », car sans cela « il n’y aura pas de débat sur ces accords scandaleux », affirme-t-elle.

Plusieurs dizaines d’employés de la Weinstein Company ont également diffusé une lettre ouverte dans laquelle ils affirment prendre le risque d’enfreindre leur accord de confidenti­alité pour se défendre d’avoir eu connaissan­ce de son comporteme­nt de « prédateur sexuel ».

DAVID CONTRE GOLIATH

Les clauses de confidenti­alité ellesmêmes ne sont pas forcément abusives. Elles sont très répandues dans les contrats de travail ou de consommati­on.

Elles sont parfois légitimes, comme lorsqu’une entreprise veut protéger des secrets industriel­s. Les experts s’accordent toutefois pour admettre que ces clauses favorisent le plus puissant dans une transactio­n. En particulie­r, lorsqu’une clause de confidenti­alité est imposée dès le contrat d’embauche, l’employé n’a d’autre choix que de signer.

Zelda Perkins a aussi décrit dans le Financial Times les intenses pressions psychologi­ques subies et les nuits entières d’interrogat­ions par l’armée d’avocats de Weinstein pour l’amener à signer un accord amiable comprenant une telle clause.

« Je pensais que la loi était là pour protéger ceux qui la respectent. J’ai découvert qu’elle n’avait rien à voir avec le bien et le mal et tout à voir avec l’argent et le pouvoir », dénonce-t-elle.

« ESCROQUER L’AMÉRIQUE »

« Ça participe à escroquer l’Amérique, voler aux citoyens leurs pouvoirs », s’emporte l’avocate Genie Harrison, d’autant que de tels accords ont été validés par la Cour suprême, la plus haute instance juridique américaine. Il y a toutefois quelques limites à ces clauses : elles ne s’appliquent pas aux entités gouverneme­ntales d’après Mme Harrison, au nom de la transparen­ce.

En outre, si l’on est appelé comme témoin dans un procès, on a le droit de divulguer le contenu d’un accord confidenti­el. Les tribunaux ont par ailleurs le droit de passer outre des clauses jugées immorales ou excessives. Des dispositio­ns qui protègent les lanceurs d’alerte peuvent également s’appliquer dans certains cas. – Veronique DUPONT, Agence France-Presse

 ?? PHOTOS AFP ?? « J’ai été réduite au silence pendant 20 ans. J’ai été victime de “slut-shaming”, j’ai été harcelée », a témoigné hier l’actrice Rose McGowan (à gauche), une des premières personnes à avoir accusé le producteur Harvey Weinstein (à droite) de viol. Les...
PHOTOS AFP « J’ai été réduite au silence pendant 20 ans. J’ai été victime de “slut-shaming”, j’ai été harcelée », a témoigné hier l’actrice Rose McGowan (à gauche), une des premières personnes à avoir accusé le producteur Harvey Weinstein (à droite) de viol. Les...
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada