Le Journal de Montreal

Quand on n’y croit pas

- MARIO DUMONT Blogueur au Journal Économiste, animateur et chroniqueu­r c mario.dumont @quebecorme­dia.com L @mariodumon­t

La semaine dernière, les libéraux avaient fait adopter à l’Assemblée nationale leur projet de loi 62 sur la neutralité religieuse. L’adoption n’avait pas été un grand moment, le gouverneme­nt n’ayant pas réussi à rallier un seul des partis d’opposition. Malgré tout, le sentiment général chez les libéraux était : une bonne chose de réglée.

Philippe Couillard espérait sincèremen­t que cette question qui lui donne de l’urticaire soit mise derrière lui, permettant à son équipe de repartir sur d’autres thèmes. Nous savons maintenant que rien n’était réglé. Le gouverneme­nt libéral est demeuré embourbé dans les suites de cette loi toute la semaine.

D’abord, le week-end dernier a permis de mesurer toute l’opposition générée par cette image d’une femme portant un voile intégral pouvant être éjectée d’un autobus. Les réactions ont été virulentes au Canada anglais. Dans le Montréal non francophon­e habituelle­ment favorable au PLQ, des critiques acerbes se sont aussi fait entendre.

ALLIÉS OUTRÉS

Des alliés naturels de monsieur Couillard aux autres paliers de gouverneme­nt, des libéraux comme Justin Trudeau et Denis Coderre, ont aussi conspué la nouvelle loi. En contrepart­ie, pas une seule voix ne s’est levée pour soutenir le gouverneme­nt.

Entre le jour de l’adoption de la loi la semaine dernière et les explicatio­ns sur son applicatio­n cette semaine, la version du gouverneme­nt a dramatique­ment changé. Sur un cas aussi précis que la passagère d’autobus, nous sommes passés de l’obligation du visage découvert pendant tout le trajet au devoir de lever son voile cinq secondes pour ceux qui ont une carte rabais.

La ministre s’est excusée pour une mauvaise interpréta­tion, belle humilité. En réalité, il s’agit bien plus que d’un écart d’interpréta­tion. C’est un changement d’idée radical qui affecte complèteme­nt la compréhens­ion de la loi.

GÊNANT

Pour compléter la parodie, la ministre de l’Enseigneme­nt supérieur est venue contredire sa collègue de la Justice concernant le port du voile dans les salles de cours des université­s. Un double vaudeville. Vaudeville numéro 1 : deux collègues qui se contredise­nt de façon gênante dans la même journée. Vaudeville numéro 2 : le descriptif du vécu dans une université d’une étudiante qui enlèverait et remettrait son voile selon les circonstan­ces.

Derrière toutes ces tristes péripéties se cache à mon avis une donnée fondamenta­le : le gouverneme­nt libéral n’a pas présenté ce projet de loi en phase avec ses conviction­s. Il n’y croit pas vraiment lui-même.

Il y a 10 ans, le même parti avait commandé le rapport Bouchard-Taylor. Celui-ci préconisai­t l’interdicti­on des signes religieux pour les représenta­nts de l’État en position d’autorité. Les libéraux n’ont pas voulu faire cela. Depuis ce jour, ils essayent de faire semblant de faire quelque chose sans faire la vraie chose.

Le premier qui n’a jamais donné l’impression de croire à sa propre législatio­n, c’est Philippe Couillard luimême. On sent qu’il a été poussé là à reculons…

La pauvre Stéphanie Vallée paye le prix d’un gâchis prévisible. Les partis politiques réussissen­t rarement de grands coups lorsqu’ils agissent sans conviction­s.

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Visage découvert : les libéraux croient-ils vraiment eux-mêmes à leur loi ?
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