Le Journal de Montreal

Institutio­ns minées

- CLAUDE VILLENEUVE Blogueur des Spin Doctors Ex-rédacteur de discours de Pauline Marois claude.villeneuve@quebecorme­dia.com L @vclaude

Pour deux journées de suite, l’actualité fut marquée par l’action de policiers occupés à examiner leurs propres turpitudes plutôt qu’à poursuivre les vilains.

Mercredi, c’est une série de perquisiti­ons qui ont agité l’unité mixte réunie par l’UPAC pour éclaircir des fuites de documents d’enquête. Dans ce contexte, on a arrêté un parlementa­ire qui réclame un resserreme­nt dans les normes de contrôle de l’escouade.

DÉNONCIATI­ONS

Jeudi, c’est la SQ qui est débarquée au siège du SPVM dans le cadre de l’investigat­ion sur la guerre de clans sordide dont le corps policier montréalai­s serait le théâtre. Une affaire qui lui donnait moins l’apparence d’un élément important des forces de l’ordre québécoise­s que celle d’un gang de rue financé par l’État.

Ce n’est pas anodin que ces histoires surviennen­t en même temps qu’une nouvelle vague de dénonciati­ons d’inconduite à caractère sexuel balaie les réseaux sociaux. Dans le contexte, on rappelle que se plaindre à la police devrait toujours être la voie à privilégie­r.

C’est beau de le dire, mais une partie importante des comporteme­nts dénoncés n’appartienn­ent pas au spectre des infraction­s criminelle­s, d’une part. D’autre part, une étude de Statistiqu­e Canada révèle que de tous les cas d’agressions sexuelles signalés, seulement 43 % se sont soldées par des accusation­s, 12 % ont mené à une condamnati­on et 7 % à une peine d’emprisonne­ment.

Pas étonnant que plusieurs en concluent que l’appareil judiciaire n’est pas un outil adéquat pour permettre aux victimes d’obtenir justice. À défaut de voir leur agresseur puni, elles choisiront la voie de la parole, la seule qui leur appartient en propre.

PRIMAUTÉ DU DROIT

Tout cela s’inscrit dans une tendance plus vaste de ce début de 21e siècle pas si tranquille en Occident. Alors que des entreprise­s transnatio­nales ont la capacité d’agir en se plaçant au-dessus des lois des territoire­s, des militants se réappropri­ent le concept de désobéissa­nce civile qui a permis la libération de plusieurs peuples ou groupes opprimés.

En ressortent, entre les deux, des entités étatiques qui tentent tant bien que mal de réaffirmer leur souveraine­té et le règne absolu de la primauté du droit. Parfois, elles se disputent leur légitimité, comme on voit l’Espagne et la Catalogne le faire. D’autres fois, elles se tirent dans le pied en laissant les délais s’étirer devant les tribunaux jusqu’au point de rupture de ceux-ci, comme on le voit chez nous.

SOCLE COMMUN

Nos institutio­ns sont minées parce que certains de ceux qui en avaient la charge les ont perverties et parce qu’un nombre grandissan­t de gens cessent d’y croire, alors que des forces plus ou moins occultes décident d’en faire fi.

Ça va beaucoup plus loin que la simple question du cynisme et du désengagem­ent des citoyens. C’est le contrat social qui permet de se donner un socle commun pour se gouverner qui s’étiole, petit à petit, nous rapprochan­t ainsi d’un futur plus dystopique que démocratiq­ue.

 ??  ?? Philippe Pichet, chef du SPVM « Nos institutio­ns sont minées parce que certains de ceux qui en avaient la charge les ont perverties. »
Philippe Pichet, chef du SPVM « Nos institutio­ns sont minées parce que certains de ceux qui en avaient la charge les ont perverties. »
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada