Institutions minées
Pour deux journées de suite, l’actualité fut marquée par l’action de policiers occupés à examiner leurs propres turpitudes plutôt qu’à poursuivre les vilains.
Mercredi, c’est une série de perquisitions qui ont agité l’unité mixte réunie par l’UPAC pour éclaircir des fuites de documents d’enquête. Dans ce contexte, on a arrêté un parlementaire qui réclame un resserrement dans les normes de contrôle de l’escouade.
DÉNONCIATIONS
Jeudi, c’est la SQ qui est débarquée au siège du SPVM dans le cadre de l’investigation sur la guerre de clans sordide dont le corps policier montréalais serait le théâtre. Une affaire qui lui donnait moins l’apparence d’un élément important des forces de l’ordre québécoises que celle d’un gang de rue financé par l’État.
Ce n’est pas anodin que ces histoires surviennent en même temps qu’une nouvelle vague de dénonciations d’inconduite à caractère sexuel balaie les réseaux sociaux. Dans le contexte, on rappelle que se plaindre à la police devrait toujours être la voie à privilégier.
C’est beau de le dire, mais une partie importante des comportements dénoncés n’appartiennent pas au spectre des infractions criminelles, d’une part. D’autre part, une étude de Statistique Canada révèle que de tous les cas d’agressions sexuelles signalés, seulement 43 % se sont soldées par des accusations, 12 % ont mené à une condamnation et 7 % à une peine d’emprisonnement.
Pas étonnant que plusieurs en concluent que l’appareil judiciaire n’est pas un outil adéquat pour permettre aux victimes d’obtenir justice. À défaut de voir leur agresseur puni, elles choisiront la voie de la parole, la seule qui leur appartient en propre.
PRIMAUTÉ DU DROIT
Tout cela s’inscrit dans une tendance plus vaste de ce début de 21e siècle pas si tranquille en Occident. Alors que des entreprises transnationales ont la capacité d’agir en se plaçant au-dessus des lois des territoires, des militants se réapproprient le concept de désobéissance civile qui a permis la libération de plusieurs peuples ou groupes opprimés.
En ressortent, entre les deux, des entités étatiques qui tentent tant bien que mal de réaffirmer leur souveraineté et le règne absolu de la primauté du droit. Parfois, elles se disputent leur légitimité, comme on voit l’Espagne et la Catalogne le faire. D’autres fois, elles se tirent dans le pied en laissant les délais s’étirer devant les tribunaux jusqu’au point de rupture de ceux-ci, comme on le voit chez nous.
SOCLE COMMUN
Nos institutions sont minées parce que certains de ceux qui en avaient la charge les ont perverties et parce qu’un nombre grandissant de gens cessent d’y croire, alors que des forces plus ou moins occultes décident d’en faire fi.
Ça va beaucoup plus loin que la simple question du cynisme et du désengagement des citoyens. C’est le contrat social qui permet de se donner un socle commun pour se gouverner qui s’étiole, petit à petit, nous rapprochant ainsi d’un futur plus dystopique que démocratique.