Le Journal de Montreal

Quand le rêve d’une entreprise à domicile tourne au cauchemar

- Emmanuelle Gril Collaborat­ion spéciale

Vous projetez de vous lancer en affaires ? Attention, le rêve peut rapidement tourner au cauchemar si votre entreprise ne génère pas le chiffre d’affaires prévu. Jacques et Lucie l’ont appris à leurs dépens…

Jacques et Lucie travaillen­t tous deux comme fonctionna­ires et gagnent chacun plus de 65 000 $ par année. Malgré cette vie confortabl­e, au printemps 2015, ils se laissent tenter par une publicité qui promet d’importants revenus d’appoint en vendant des produits à domicile. Après avoir assisté à quelques séances d’informatio­n, ils se lancent dans l’aventure !

UN GOUFFRE FINANCIER

Parce qu’ils ont de bons revenus, une excellente stabilité d’emploi et presque aucune dette, leur institutio­n financière leur consent un crédit généreux. Pour acheter la franchise et lancer leur affaire, la banque leur accorde en effet un prêt de démarrage de 35 000 $, à condition que Jacques et Lucie se portent caution. Deux fournisseu­rs de la toute nouvelle entreprise exigent aussi un cautionnem­ent pour leur ouvrir un compte.

Pour pouvoir se consacrer entièremen­t à leur projet, Lucie prend un congé d’un an sans solde. Les activités démarrent officielle­ment en juin 2015, et le couple est heureux de pouvoir briser la monotonie de son emploi.

Malheureus­ement, au bout de huit mois, le chiffre d’affaires n’est toujours pas suffisant pour payer les dépenses. Le congé sans solde de Lucie fait également mal au budget familial, les forçant à utiliser leur marge de crédit personnell­e et leurs cartes de crédit pour maintenir l’entreprise à flot.

« Moins de deux ans après le début des opérations, le couple a englouti 55 000 $ dans cette aventure, sans compter leur temps. Au même moment, leur institutio­n financière décide de fermer le robinet… », explique Pierre Fortin, syndic autorisé en insolvabil­ité, président de Jean Fortin et Associés.

UNE OFFRE AUX CRÉANCIERS POUR ÉVITER LA FAILLITE

Jacques et Lucie se retrouvent dans une impasse et vont donc consulter le syndic. Le couple possède une maison avec peu d’équité, car l’achat date de quelques années à peine. Ils ont aussi des meubles, deux voitures louées ainsi qu’un REER de 35 000 $. Il faut savoir qu’un REER est insaisissa­ble lorsqu’on se place sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabil­ité.

Toutefois, ils souhaitent à tout prix éviter la faillite et voudraient, dans la mesure du possible, conserver leurs biens. Pour y parvenir, Lucie a donc réintégré son emploi et le revenu stable du couple a permis à Jean Fortin & associés de présenter aux créanciers une propositio­n de consommate­ur. Sur la somme de 55 000 $, les créanciers ont accepté l’offre de règlement d’un montant de 40 000 $ payable sans intérêts sur cinq ans.

« Il est impossible de prédire le succès futur d’une nouvelle entreprise, mais on a malheureus­ement souvent tendance à sous-estimer les besoins en liquidités de son nouveau “bébé”. On veut croire qu’il pourra être autonome dès les premières années, ce qui est pourtant, la plupart du temps, illusoire », prévient Pierre Fortin. Il ajoute que si Jacques et Lucie ont pu éviter le pire grâce à leurs bons emplois, ce n’est malheureus­ement pas le cas de tout le monde…

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