Un modèle inspirant LÉVESQUE, toujours vivant
Saluer la mémoire d’un « grand homme » n’est pas sans risque. La formule en indispose plusieurs. Pourtant, même si nous savons qu’ils n’étaient pas sans défauts et qu’ils ne seraient arrivés à rien sans des appuis nombreux, nous continuons à nous référer à ces modèles inspirants.
René Lévesque fait partie de ces personnages auxquels se réfèrent constamment les Québécois. Si les péquistes s’approprient ses réalisations les plus importantes, son rayonnement dépasse largement le parti qu’il a fondé en 1968. Qu’aurait pensé René Lévesque de telle loi, de tels propos, de telle orientation stratégique ? se demandent régulièrement politiciens et commentateurs.
Trente ans après sa mort, René Lévesque est devenu une référence éthique. Cette manière si particulière qu’a ce personnage d’habiter notre conscience commune ne date pas d’hier. Dès les jours qui ont suivi sa mort prématurée, le 1er novembre 1987, les Québécois de toutes allégeances ont ressenti une perte, un manque.
Pour combler en partie ce vide, on a donné son nom à des boulevards importants, à Montréal comme à Québec ; on lui a érigé une statue devant l’hôtel du Parlement ; Pierre Godin lui a consacré une biographie monumentale, en quatre tomes ; une fondation qui porte son nom organise des colloques pour mieux comprendre son oeuvre et éclairer son époque ; avec l’historien Xavier Gélinas, je travaille à l’édition de ses chroniques politiques publiées avant la prise du pouvoir en 1976.
TRANSFORMATION DE LA VIE POLITIQUE
Le charisme, les idées, l’énergie de René Lévesque sont à l’origine d’une transformation en profondeur de la vie politique québécoise. De son vivant, René Lévesque était loin de faire l’unanimité. Ses adversaires étaient nombreux et coriaces. Les tenants du statu quo fédéraliste le traitaient de dangereux séparatiste alors que les partisans d’une gauche révolutionnaire et syndicale le trouvaient beaucoup trop modéré, « bourgeois ».
Avec d’anciens libéraux, des technocrates respectés, de jeunes baby-boomers idéalistes, des créditistes convertis, il a travaillé d’arrache-pied pour construire un grand mouvement politique capable non seulement de faire rêver, mais de prendre le pouvoir et d’opérer des réformes durables. À l’heure où le Québec français apparaît si fragmenté, alors que le Canada de Justin Trudeau semble avoir complètement tourné le dos à la question du Québec, on souhaiterait que surgisse un personnage de cette envergure.
IL A CRU LES QUÉBÉCOIS
Si René Lévesque occupe une telle place dans notre panthéon québécois, ce n’est pas seulement parce qu’il a été un modernisateur important, pas seulement non plus parce qu’il a placé la souveraineté au centre de notre débat politique. C’est peut-être surtout parce qu’il a cru les Québécois capables de grandes choses. Parce qu’il a cru que l’État, les institutions collectives, la politique nous permettraient de devenir « quelque chose comme un grand peuple ».
Même si le regard et les pensées de cet homme impatient étaient surtout tournés vers l’avenir, René Lévesque avait le sens de la durée historique. Les anniversaires et les commémorations ? Pas trop pour lui, sauf si elles fournissaient du carburant aux causes qui en valaient la peine.
Ses causes à lui – la démocratisation de la vie politique, la maîtrise de nos ressources naturelles et de notre développement économique, la justice sociale, l’affirmation politique du Québec –, elles restent fondamentales et attendent des ardeurs nouvelles.