Questions/Réponses avec son fils Claude
Le fils de René Lévesque estime que son père jugerait sévèrement la classe politique actuelle. Le journaliste retraité Claude Lévesque, qui a couvert l’actualité internationale pendant de nombreuses années pour Le
Devoir, revient aujourd’hui sur le legs politique du célèbre premier ministre.
Q : Vous dites, dans votre texte La capacité de s’indigner, que dans les années soixante et soixante-dix, la classe politique n’était pas aussi méprisée qu’aujourd’hui. Qu’est-ce que René Lévesque penserait de la classe politique actuelle ?
R : Il porterait un regard sévère sur une bonne partie de la classe politique actuelle, mais il se garderait de prononcer des jugements à l’emporte-pièce. Il croyait fermement à la nécessité de l’action politique et du service public, c’est-àdire du travail des élus et des fonctionnaires.
Q : Vous rappelez que René Lévesque avait une capacité de s’indigner face aux injustices. Est-ce que cette vertu s’est perdue aujourd’hui ?
R : À l’époque où mon père est entré en politique, luimême et ses collègues étaient des progressistes, même des sociodémocrates pour plusieurs d’entre eux.
Q : Que dirait René Lévesque si par magie il revenait parmi nous à l’âge qu’il avait en 1960 ?
R : Il déplorerait probablement la remontée des inégalités et l’indifférence de tant de gens face à celles-ci. Quant à la violence d’État exercée contre les mouvements de revendication, nationale ou autre, en Espagne ou ailleurs, il la dénoncerait de toute son énergie. Il était avant tout un démocrate.
Q : Vous dites que M. Lévesque se trouve du bon côté de l’histoire. Pourquoi ? Et qui se retrouve du mauvais côté ?
R : Il avait le sentiment d’être du bon côté de l’histoire parce que les changements à apporter à la société allaient presque de soi : créer un ministère de l’Éducation et une fonction publique professionnelle, nationaliser l’hydro-électricité, etc. Les choses sont plus compliquées aujourd’hui : ce n’est pas toujours évident de savoir qui est du mauvais côté de l’histoire.
Il croyait fermement à la nécessité de l’action politique et du service public ” SON FILS, CLAUDE LÉVESQUE
Q : Que reste-t-il de l’héritage politique de René Lévesque 30 ans plus tard, avec un PQ affaibli et une division des souverainistes ?
R : Le PQ et le mouvement souverainiste sont affaiblis, par leur propre faute parfois, mais surtout sous l’effet d’une propagande très efficace, c’est-à-dire de la répétition constante et apparemment innocente de faussetés. Lesquelles ? Surtout l’idée que la souveraineté serait foncièrement rétrograde, alors que la vérité, c’est que ses partisans sont pour la très grande majorité inclusifs et ouverts sur le monde.
Q : 30 ans après son décès, avez-vous l’impression qu’on a idéalisé votre père ? Qu’on a effacé ses défauts pour en faire un père de la Nation ?
R : De son vivant et surtout quand il était au pouvoir ou sur le point d’y accéder, plusieurs personnes ont fait de mon père une mégavedette et presque un dieu. Ensuite, on a pris un malin plaisir à souligner ses défauts, mais ça n’a pas duré longtemps. Aujourd’hui, je pense qu’il occupe dans l’histoire la place enviable qu’il mérite.
Q : Est-ce difficile de partager un père avec ladite Nation ? Quel enjeu ça peut représenter, pour vous, d’être l’enfant d’une personnalité aussi immense ?
R : Difficile surtout de répondre à cette question. Il y a eu des avantages et des inconvénients, à parts égales je dirais.
Q : Vous avez eu une longue carrière en journalisme international, jusqu’à quel point votre père a-t-il eu une influence sur votre choix de carrière ?
R : Une très grande influence. Enfant, j’admirais son travail de reporter et d’animateur, et j’essayais de comprendre les grands enjeux internationaux qui n’ont pas tardé à me passionner.