Pierre Marc Johnson :
Il serait satisfait de l’état du français
Je me rappelle avoir entendu Gilles Vigneault dire que « si on n’exagérait pas un peu, ce ne serait pas tout à fait la vérité ». Cette propension à l’exagération tend à se manifester dans la vénération à l’égard de René Lévesque et à magnifier le projet indépendantiste.
LE TEMPS LÉNIFIANT
Trente ans après sa mort, René Lévesque demeure l’étalon recherché pour mesurer la foi indépendantiste des politiciens souverainistes, certains étant qualifiés de dignes héritiers et d’autres, accusés de trahir la pensée du maître. Les uns et les autres pourraient toutefois être surpris de la différence d’appréciation, si le fondateur du PQ désignait lui-même les fidèles de sa tradition.
Le temps altère la mémoire, gomme les épisodes difficiles et permet de faire dire aux morts ce que l’on veut bien entendre ou faire croire. Ce serait toutefois trop vite oublier que le navire péquiste n’a pas toujours navigué sur des eaux calmes, même au temps de monsieur Lévesque, et que celui-ci était plutôt tempéré à l’égard de l’indépendance par rapport à certains de ses collaborateurs.
Il était en froid avec Pierre Bourgault qui peut être qualifié d’indépendantiste pur et dur. Il a toujours collé son projet de souveraineté à une association avec le Canada. Il s’opposait à la dénomination Parti québécois qu’un congrès lui enfonça dans la gorge. Il fut également partisan du beau risque après l’échec référendaire et l’élection de Brian Mulroney.
RÉFORMATEUR
Tout en reconnaissant l’intensité de son nationalisme, René Lévesque apparaît plutôt comme un réformateur du fédéralisme et s’avère plus identifiable à des autonomistes comme les Johnson, Bouchard et Legault qu’à des indépendantistes sans compromis comme les Parizeau, Léonard et Aussant.
Cependant, un projet comme l’indépendance n’échappe pas à la nécessité de mythes fortifiants pour favoriser l’adhésion et la mobilisation du plus grand nombre. Même trente ans après sa mort, René Lévesque demeure une valeur sûre pour chanter les louanges de la souveraineté tout en sachant de moins en moins de quoi on parle exactement.