René Lévesque et les femmes
Née en 1960 à l’aube de la Révolution tranquille, je n’ai jamais vécu, ne serait-ce qu’un seul mois, sans René Lévesque comme acteur de premier plan du paysage politique. Du moins, jusqu’à sa démission en 1985.
Comme tant d’autres Québécois de ma génération, je lui dois d’avoir appris toute jeune la fierté d’être de cette nation de langue et de culture françaises, moderne et accueillante.
En 1985, il quittait pourtant la politique dans le déshonneur. Un long chemin de croix avait eu raison de lui : défaite référendaire, rapatriement de la Constitution canadienne sans le Québec, un « beau risque » fédéraliste entrepris in extremis et la démission de ses meilleurs ministres qu’il provoquerait.
DÉPART HUMILIANT
Malgré ce départ humiliant, il avait repris sa superbe plume de journaliste. Le 1er novembre 1987, la mort l’a fauché bien prématurément. Des milliers de Québécois, dont j’étais, ont fait la file pour se recueillir devant sa dépouille. Cet homme brillant et érudit, nous l’aimions tout entier avec ses défauts et ses qualités.
D’un côté, il fut un ministre et un premier ministre visionnaire, progressiste et audacieux. De l’autre, le souverainiste converti en René Lévesque s’est avéré être un stratège d’une ambiguïté décevante et d’une naïveté parfois même troublante.
Suffisamment naïf même pour se précipiter dans la gueule du loup à Ottawa face à un Pierre Elliott Trudeau rusé et pressé de léguer enfin « sa » Constitution à un Canada triomphant de la « différence » québécoise.
AMOUR MUTUEL
René Lévesque, nous l’aimions toutefois bien au-delà de ses erreurs tactiques. Nous l’aimions parce que nous savions qu’il nous aimait. De la même manière que nous l’aimions jusque dans ses imperfections, il nous aimait, lui aussi, avec tous les défauts et les qualités d’une jeune nation minoritaire et autrefois conquise.
Nous aimions René Lévesque parce que dans les faits, il était notre miroir. Comme lui, il nous arrive d’oser l’impossible. Comme lui, il nous arrive aussi d’être peureux, crédules et hésitants. Cet amour mutuel, l’Histoire le retiendra.