Le Journal de Montreal

ADMIRÉ PAR UN LIBÉRAL

- LISE RAVARY

J’ai grandi dans HochelagaM­aisonneuve au sein d’une famille ultra libérale, à Québec comme à Ottawa, mais entourée de voisins péquistes. Jeune, j’aimais parler politique avec papa qui vouait un culte à Jean Lesage pour avoir sorti l’Église du gouverneme­nt. Papa était anticléric­al.

Il admirait René Lévesque, qu’il a toujours appelé Ti-poil, quand il était libéral, mais n’a pas caché sa déception quand Lévesque a quitté le Parti libéral pour fonder le Parti québécois en 1968. « Ça ne marchera pas. Ils vont scrapper un des rares politicien­s honnêtes. »

JAMAIS INDÉPENDAN­TISTE

Papa n’avait pas l’intention de devenir client du PQ. Militaire pendant la guerre, il était attaché, comme moi, à l’idée du Canada. Il était né dans un village bilingue limitrophe de l’Ontario. Il s’était toujours intéressé à la situation des francophon­es hors Québec et des anglophone­s québécois.

Quand la loi 101 fut proclamée en 1977, papa a déclaré que Lévesque était un homme d’honneur qui ne permettrai­t pas que la Charte de la langue française fasse du tort aux francophon­es hors Québec, qui, disaitil, avaient bien plus besoin d’aide que les Québécois pour préserver leur langue. Il pensait sans doute à ses nombreux cousins et cousines des United Counties of Stormont, Dundas and Glengarry.

Avec le temps, papa a fini par se fâcher contre le PQ – à cause de l’assurance automobile – mais il trouvait toujours le moyen d’exonérer Lévesque. Ce n’était jamais la faute de Ti-Poil.

HISTOIRE DE COEUR

Il évoquait avec admiration son travail comme correspond­ant de guerre pour Voice of America et sa rencontre avec les derniers fantômes du camp nazi de Dachau. Papa m’avait dit « ça prend des gars comme lui pour raconter, sinon les gens vont arrêter d’y croire ».

Jamais péquiste, papa parlait néanmoins plus souvent de René Lévesque que de tous les autres politicien­s de son époque.

Quand Lévesque a quitté la politique en 1985, amer et défait, mon libéral de père a piqué une colère : « Je l’avais dit que ça finirait mal pour mon Ti-poil. »

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