« Un vrai rebelle »
C’est en quittant le Parti libéral comme « un vrai rebelle », il y a cinquante ans, que René Lévesque est devenu la légende dont le Québec se souvient aujourd’hui, 30 ans après son décès, croit l’ex-ministre péquiste Louise Beaudoin.
À part Lucien Bouchard, Mme Beaudoin a connu bien peu d’hommes politiques qui, comme René Lévesque, étaient à ce point « en osmose avec le peuple québécois ».
Elle n’avait que 20 ans lorsqu’elle a rencontré René Lévesque. « Il faut se replonger dans l’époque », a-t-elle raconté au Journal.
En 1966, Daniel Johnson et l’Union nationale venaient d’arracher le pouvoir au Parti libéral de Jean Lesage. René Lévesque avait accepté de la rencontrer une première fois avec d’autres étudiants pour discuter.
ELLE AVAIT TENTÉ DE LE CONVAINCRE
Un an plus tard, le général de Gaulle semait l’émoi à travers tout le Québec en s’écriant : « Vivre le Québec libre ! » C’était il y a 50 ans.
« À ce moment-là, René Lévesque n’avait pas eu une réaction enthousiaste », se souvient Mme Beaudoin. Choquée, la jeune étudiante s’était rendue à l’hôtel Clarendon, où il vivait alors, pour le convaincre de démissionner du Parti libéral comme François Aquin venait de le faire, devenant du même coup le premier député indépendantiste de l’Assemblée nationale.
Démissionner, « c’était la chose à faire », croyait la jeune étudiante, qui avait préparé son argumentaire. Mais M. Lévesque voyait les choses autrement.
« Il a pris le temps d’expliquer, à une jeune étudiante qui avait 20 ans, que non, ce n’était pas le moment, qu’il fallait attendre. […] J’ai trouvé que son explication avait bien de l’allure. Il m’avait dit : “Ce n’est pas parce que je veux rester dans le Parti libéral à tout prix, au contraire, c’est parce que je veux que les choses soient faites correctement.” »
Il lui avait alors exposé son plan de match : achever et présenter sa proposition conditionnelle au prochain congrès du Parti libéral. Il se doutait déjà que sa proposition serait rejetée.
LA RUPTURE
Lévesque quitta donc le Parti libéral avec une vingtaine de membres pour mieux fonder le Mouvement Souveraineté-Association, puis éventuellement le Parti québécois.
« C’était un vrai rebelle. […] Il y avait une logique dans son affaire. J’ai trouvé ça intelligent. […] Ce geste de rupture, c’est un geste fondateur. »
La jeune femme qu’était Louise Beaudoin gravit ensuite les échelons jusqu’à ce qu’elle accède notamment, en 1985, au poste de ministre des Relations internationales.
Elle demeura proche de René Lévesque jusqu’à sa mort, deux ans plus tard.
« René Lévesque, c’est aussi, avant le PQ, la Révolution tranquille, la nationalisation de l’électricité. Des moments glorieux, en quelque sorte. De confiance en nous. D’espoir dans l’avenir. Tout était possible. C’est ça, moi, dont je me souviens. »