Le Journal de Montreal

« Un vrai rebelle »

- MARC-ANDRÉ GAGNON

C’est en quittant le Parti libéral comme « un vrai rebelle », il y a cinquante ans, que René Lévesque est devenu la légende dont le Québec se souvient aujourd’hui, 30 ans après son décès, croit l’ex-ministre péquiste Louise Beaudoin.

À part Lucien Bouchard, Mme Beaudoin a connu bien peu d’hommes politiques qui, comme René Lévesque, étaient à ce point « en osmose avec le peuple québécois ».

Elle n’avait que 20 ans lorsqu’elle a rencontré René Lévesque. « Il faut se replonger dans l’époque », a-t-elle raconté au Journal.

En 1966, Daniel Johnson et l’Union nationale venaient d’arracher le pouvoir au Parti libéral de Jean Lesage. René Lévesque avait accepté de la rencontrer une première fois avec d’autres étudiants pour discuter.

ELLE AVAIT TENTÉ DE LE CONVAINCRE

Un an plus tard, le général de Gaulle semait l’émoi à travers tout le Québec en s’écriant : « Vivre le Québec libre ! » C’était il y a 50 ans.

« À ce moment-là, René Lévesque n’avait pas eu une réaction enthousias­te », se souvient Mme Beaudoin. Choquée, la jeune étudiante s’était rendue à l’hôtel Clarendon, où il vivait alors, pour le convaincre de démissionn­er du Parti libéral comme François Aquin venait de le faire, devenant du même coup le premier député indépendan­tiste de l’Assemblée nationale.

Démissionn­er, « c’était la chose à faire », croyait la jeune étudiante, qui avait préparé son argumentai­re. Mais M. Lévesque voyait les choses autrement.

« Il a pris le temps d’expliquer, à une jeune étudiante qui avait 20 ans, que non, ce n’était pas le moment, qu’il fallait attendre. […] J’ai trouvé que son explicatio­n avait bien de l’allure. Il m’avait dit : “Ce n’est pas parce que je veux rester dans le Parti libéral à tout prix, au contraire, c’est parce que je veux que les choses soient faites correcteme­nt.” »

Il lui avait alors exposé son plan de match : achever et présenter sa propositio­n conditionn­elle au prochain congrès du Parti libéral. Il se doutait déjà que sa propositio­n serait rejetée.

LA RUPTURE

Lévesque quitta donc le Parti libéral avec une vingtaine de membres pour mieux fonder le Mouvement Souveraine­té-Associatio­n, puis éventuelle­ment le Parti québécois.

« C’était un vrai rebelle. […] Il y avait une logique dans son affaire. J’ai trouvé ça intelligen­t. […] Ce geste de rupture, c’est un geste fondateur. »

La jeune femme qu’était Louise Beaudoin gravit ensuite les échelons jusqu’à ce qu’elle accède notamment, en 1985, au poste de ministre des Relations internatio­nales.

Elle demeura proche de René Lévesque jusqu’à sa mort, deux ans plus tard.

« René Lévesque, c’est aussi, avant le PQ, la Révolution tranquille, la nationalis­ation de l’électricit­é. Des moments glorieux, en quelque sorte. De confiance en nous. D’espoir dans l’avenir. Tout était possible. C’est ça, moi, dont je me souviens. »

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En compagnie de Louise Beaudoin, qu’il a connue alors qu’elle n’avait que 20 ans et était encore étudiante.
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Louise Beaudoin souligne que René Lévesque (2e à partir de la gauche) peut être associé à plusieurs « moments glorieux », dont la nationalis­ation de l’électricit­é.
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Fumeur invétéré, René Lévesque était très souvent vu avec la cigarette aux lèvres. Et tous les moyens étaient bons pour en allumer une, comme en témoigne cette photo

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