Le Journal de Montreal

LA CHUTE D’UN CHAMPION

L’ex-boxeur raconte sa vie mouvementé­e, marquée par des épisodes violents et des déboires avec la justice.

- Mathieu Boulay MBoulayJDM mathieu.boulay@quebecorme­dia.com

Si l’histoire de Dave a souvent fait les manchettes, celle de Matthew est plus méconnue. Une carrière remplie de succès, mais aussi marquée de regrets qui l’ont mené aujourd’hui à la pauvreté. Le Journal de Montréal l’a rencontré pour raconter son histoire, qui pourrait servir de leçon aux boxeurs d’aujourd’hui.

Hilton est debout devant le restaurant Mirage-New York de Laval et il fume une cigarette. Il porte un vieux chandail et une paire de pantalons désuète. « Est-ce que je peux finir ma cigarette avant de rentrer? », demande-t-il avec un peu de timidité.

On rentre à l’intérieur de l’établissem­ent pour amorcer l’entrevue. Hilton semble un habitué de la place, car il y connaît plusieurs personnes.

On commence à se parler de sa brillante carrière, où il a maintenu une fiche de 32-3-2, dont 24 victoires acquises par knock-out, et bien sûr de sa conquête du titre IBF des super-mi-moyens (154 lb) lors de la soirée du 27 juin 1987.

Âgé de 21 ans seulement, Hilton était venu à bout de l’Américain Buster Drayton après un duel de 15 rounds présenté au Forum de Montréal. Grâce à cette victoire par décision unanime, il venait de réaliser le rêve de sa carrière, mais aussi de sa vie.

« Je n’oublierai jamais cette soirée, s’est souvenu Matthew Hilton. Ç’a été le summum de ma vie. Il y avait 9000 personnes, mais j’avais l’impression qu’ils étaient 25 000 tellement ils étaient bruyants.

J’étais fier de devenir champion du monde et je voyais que les gens étaient fiers de moi. »

Contrairem­ent aux boxeurs d’aujourd’hui, la bourse empochée par Hilton lui importait peu. « Je me foutais tellement de l’argent à l’époque que je ne me souviens plus combien j’ai reçu pour ce combat. Je me serais battu avec Drayton même si je n’avais pas été payé. Je voulais simplement devenir champion du monde et j’en rêvais depuis que j’étais enfant. J’en ai encore des frissons lorsque j’en parle. »

RENDEZ-VOUS RATÉ AVEC LEONARD

Après une première défense réussie contre Jack Callahan et un autre duel contre Paul Whittaker, Hilton doit affronter un certain Robert Hines à Las Vegas, en 1988, où il remettait son titre à l’enjeu.

Cependant, quelque chose clochait chez le champion.

« Quand j’ai soulevé la ceinture après mon duel contre Drayton, ma carrière était faite, raconte-t-il. Mon objectif de vie était atteint. Je n’avais plus de motivation et de discipline à l’entraîneme­nt. Le coeur n’y était plus.

J’aurais peut-être dû prendre ma retraite après ma conquête du titre. Je ne sais pas pourquoi j’ai continué. »

Cette défaite contre Hines a été coûteuse à plusieurs niveaux. S’il l’avait emporté, il aurait obtenu un combat d’unificatio­n contre Sugar Ray Leonard quelques mois plus tard.

« Leonard voulait m’affronter, se souvient-il. J’aurais empoché 7 millions $, une offre qui était déjà sur la table avant que je me mesure à Hines.

J’aurais tellement aimé avoir ce défi, mais c’est dur de dire comment je me serais débrouillé contre Leonard. »

UN RAPPORT MALSAIN AVEC L’ARGENT

Après la perte de sa précieuse ceinture, Hilton remontera sept autres fois dans le ring avant de tirer sa révérence. Toutefois, il n’était plus que l’ombre de lui-même, alors qu’il a présenté une fiche de 3-2-2.

Durant sa carrière, Hilton a engrangé des bourses avoisinant le million de dollars. Étant donné sa vie mouvementé­e à l’extérieur du ring, cet argent ne restait pas longtemps dans ses poches.

« Notre famille n’avait pas un sou et, d’un coup, on est devenus riches, explique-t-il. J’ai fait le fou à l’extérieur du ring après ma conquête du titre mondial. »

Il dépensait sans compter et plusieurs membres de son entourage abusaient de sa générosité. Et Hilton ne sait pas ce qui serait arrivé s’il avait obtenu des millions pour croiser le fer avec Leonard.

« Je serais possibleme­nt parti sur une balloune comme je l’ai souvent fait. Je me foutais de l’argent et de mon avenir. C’était stupide comme façon de penser. Je me suis acheté tout ce que je n’avais pas pu avoir lorsque j’étais plus jeune. »

Par exemple, lors de son revers contre Hines, il a empoché 350 000 $ US. Quelques jours plus tard, il s’est procuré une Cadillac Eldorado sur un coup de tête.

Aujourd’hui, il ne lui reste plus un sou de ses gains durement gagnés dans le ring. Il survit grâce à ses prestation­s d’assistance sociale, tout en demeurant dans une habitation à loyer modique (HLM)

avec sa famille. D’ailleurs, il est venu à son entrevue à pied, car il ne possède plus de voiture.

« J’aurais pu sûrement obtenir plus d’argent pour mes combats. C’est une erreur de ma part de ne pas avoir pensé en termes de business. »

Au terme de sa carrière sportive, il en a amorcé une autre moins glorieuse. Voies de fait, harcèlemen­t, conduite avec les facultés affaiblies et vols ont fait de l’ancien boxeur un client régulier au Palais de justice. Il a été reconnu coupable à neuf occasions en 1991 et 2011.

« Ça me déprime un peu quand j’y pense. Je regrette bien des choses, mais j’ai eu ce que je voulais dans la vie. Je n’ai pas réagi comme un champion.

J’ai bu et j’ai fait des niaiseries. C’est la vie. »

Hilton a maintenant une vie plus rangée et il tente de se garder loin de ses tentations.

UN SEUL REGRET

Malgré sa vie mouvementé­e sur et à l’extérieur du ring, l’homme qui est maintenant âgé de 52 ans n’a qu’un seul regret.

« Ma plus grosse erreur est de ne pas avoir écouté mon père Dave, mentionne Hilton sans détour. Il m’avait prédit tout ce qui m’est arrivé. Mon père pensait à mon avenir, mais je ne l’écoutais pas.

Je ne lui ai jamais avoué qu’il avait raison. Je pense de le faire un jour. »

Le paternel avait notamment mis en garde son fils au sujet de ses nouveaux amis lorsqu’il est devenu champion du monde.

« Il m’avait dit que mon vestiaire se viderait dès que je perdrais ma ceinture, et il avait vu juste. Lorsque j’ai perdu contre Hines, il n’y avait plus personne, sauf ma famille. Du moment que tu ne fais plus d’argent, les gens partent rapidement. »

Malgré tout, personne ne pourra lui enlever son titre mondial qu’il a conservé pendant 17 mois. Hilton a commis plusieurs erreurs de jugement et il a payé sa dette envers la société. Il souhaite maintenant qu’on se souvienne de lui pour les bonnes raisons.

Les mêmes qui s’étaient manifestée­s par une belle soirée de juin 1987 où il avait fait la fierté de plusieurs milliers de Québécois.

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PHOTOS CHANTAL POIRIER Matthew Hilton dit que sa ceinture de champion du monde est chez son père et qu’elle ne lui fait pas d’effet quand il la voit.

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