Une frustration qui nourrit le mouvement séparatiste albertain
EDMONTON | Ce n’est pas seulement au Québec qu’on retrouve des souverainistes. En Alberta, un nombre jamais vu de groupes sécessionnistes militent pour que la province quitte la « fédération canadienne qui a échoué » et qui profite « surtout au Québec ».
« On se sent complètement abandonnés par le Canada. Nous avons l’impression d’être devenus une des 13 colonies plutôt que d’être une province canadienne égale aux neuf autres, et qu’on a plus de taxation, mais avec moins de représentation au Canada », lance sans détour Arthur Sukalsky, un des fondateurs du Alberta Freedom Party (AFP).
Le Journal a rencontré quelques membres de l’aspirant parti politique provincial dans le bar Arcadia, à Edmonton. Quelques jours plus tôt, CBC dévoilait que l’établissement, qui ne vend que des bières de microbrasseries albertaines, ne pourrait plus faire de promotions avec le logo des Oilers d’Edmonton s’ils ne s’associaient pas à Molson, un commanditaire de l’équipe de la LNH.
ÉCONOMIQUE, PAS IDENTITAIRE
« Un autre exemple d’une entreprise du Québec qui essaye de s’attaquer aux revenus de l’Alberta », soupire M. Sukalsky.
S’ils divergent quant aux solutions à prendre, les nombreux groupes séparatistes rencontrés s’entendent pour dire que l’Alberta n’a plus aucune représentation au sein du gouvernement fédéral et qu’elle est traitée comme la vache à lait nationale. Et ce, surtout au profit du Québec.
D’ailleurs, la colère croissante envers notre province, que l’on considère comme le « chouchou » d’Ottawa au détriment de l’Alberta, est l’un des facteurs principaux qui expliquent le nouvel intérêt pour le souverainisme à travers l’ouest, selon les membres de l’AFP.
En guise d’exemple, ils ont pointé du doigt Bombardier, qui a récemment reçu un prêt de plus de 350 M$ du fédéral.
« Depuis des années, l’Alberta donne aux autres provinces à travers la péréquation. Durant les années fastes, il n’y a pas de problème. Mais maintenant que l’économie de l’Alberta va mal, personne ne nous aide à réparer nos problèmes, mais les autres provinces, comme le Québec, continuent à prendre notre argent », analyse pour sa part Mike Gibbons, cofondateur du Western Independence Party of Alberta (WIPA).
« On en vient à la conclusion qu’on ne sera jamais une province prospère au sein de la fédération canadienne qui a échoué », continue le quinquagénaire originaire de la Grande-Bretagne et arrivé en Alberta il y a 37 ans.
MOUVEMENT SÉRIEUX
Non seulement le mouvement prend de l’ampleur dans l’ouest, mais pour une première fois il doit être pris au sérieux, avertissent les experts.
« Ça fait des décennies que je suis impliqué auprès de la communauté albertaine grâce à la politique. Et de toute ma vie adulte, je n’ai jamais fait autant face à un mouvement souverainiste albertain que dans les derniers mois. Les séparatistes sont une minorité de plus en plus vocale et ça m’inquiète », commente le politicien Jason Kenney.