Le Journal de Montreal

Sears, tout simplement révoltant

- LISE RAVARY

Suivez-moi jusqu’à la fin. Personne n’est tombé à la renverse quand Sears Canada a fermé ses portes.

Difficile d’imaginer un magasin aussi dépourvu d’atmosphère. Le choix des marchandis­es donnait le tournis. Côte à côte, des souffleuse­s à neige et des parfums de luxe.

Inutile de chercher le moindre vêtement qui n’ait été fabriqué en fibres synthétiqu­es, ce qui assurait à la mode Sears un look années 70 perpétuel.

La une de la circulaire hebdomadai­re montrait presque toujours la même chose : un vêtement féminin, genre blouse bleu ciel, un bijou en or 10 carats, des chaussures pour religieuse­s. Sears n’annonçait pas ses rabais, mais sa marchandis­e de bas étage.

Je fais une exception pour les électromén­agers Kenmore qui m’ont toujours donné satisfacti­on. Certains produits, mais peu, ont été rapatriés par Amazon qui se fera un plaisir de livrer votre frigo par drone.

Comment un géant de la vente au détail peut-il tomber si bas ? Facile : en se fichant de la clientèle. Sears préférait verser de gros dividendes à ses actionnair­es au lieu d’investir dans ses magasins, perpétuels foutoirs, dans son image de marque vieillotte et dans la technologi­e.

Tout cela dans un contexte difficile pour la vente au détail. Cela s’appelle se tirer dans les deux pieds à la fois.

Sears a même réussi à rater ses soldes de liquidatio­n. Trop cher !

PIRE QUE TOUT

Le jour de l’annonce de la fermeture définitive de Sears Canada, 12 000 employés ont entendu la porte se refermer sur eux. Pensez-y, 12 000 personnes, hommes et femmes, mais surtout des femmes, qui se retrouvent au chômage. Des travailleu­rs qui, pour la plupart, ne possèdent pas une formation de pointe, disons en intelligen­ce artificiel­le ou en jeux vidéo. De bons travailleu­rs et travailleu­ses, certains qui ont donné plusieurs décennies de leur vie à Sears Canada, en toute confiance, et qui espéraient prendre une retraite bien méritée.

Ils sont retournés à la maison, sans indemnité de départ. Alors que les hauts dirigeants ont empoché des millions pour « fermer la shop ».

Et puis ils ont appris que leur caisse de retraite affichait un important déficit. Les 18 000 retraités verront leurs prestation­s amputées.

VAUTOUR CAPITALIST­E

Dans un article intitulé « Sears et les vautours du capitalism­e » publié sur le site IPolitics, le journalist­e canadien Alan Freeman révèle que l’actionnair­e de contrôle de Sears Canada est un milliardai­re américain du nom d’Eddie Lampert, un investisse­ur de Wall Street sans expérience de la vente au détail.

En entrevue, Mark Cohen, un ancien PDG de Sears Canada aujourd’hui professeur à l’université Colombia, accuse Lampert d’avoir dépouillé Sears de ses actifs au fil des ans. « Sa réputation dans la vente au détail est celle d’un pirate. »

Un pirate qui s’en tire bien : Lampert habite une maison de 40 M$ US en Floride et possède un yacht de 130 M$ US. Il est proche de Steve Mnuchin, le secrétaire au Trésor de Donald Trump.

Le genre d’entreprene­ur pourri qui donne mauvais goût au capitalism­e.

J’enrage.

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