Le Journal de Montreal

L’UPAC utilise elle-même des fuites dans les médias >

Les policiers voulaient profiter de la diffusion d’informatio­ns à Radio-Canada pour faire avancer une enquête

- ALEXANDRE ROBILLARD, FÉLIX SÉGUIN ET ANTOINE ROBITAILLE

L’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC), qui est à la chasse aux fuites dans les médias, a déjà elle-même prévu d’utiliser des fuites afin de faire avancer ses propres enquêtes.

Au cours des derniers jours, notre Bureau d’enquête a consulté des documents qui montrent comment des enquêteurs de l’UPAC ont déjà planifié d’utiliser du coulage d’informatio­ns à la télévision de Radio-Canada pour faire parler des suspects. Ces documents laissent croire que le coulage d’informatio­n aux médias peut parfois être fort utile aux corps policiers.

Rappelons que la semaine dernière, l’UPAC a arrêté le député libéral Guy Ouellette dans le cadre de ses recherches pour déterminer qui a coulé des informatio­ns sur son enquête Mâchurer, qui vise entre autres l’ex-premier ministre Jean Charest et l’ex-argentier libéral Marc Bibeau.

Le grand patron de l’UPAC, Robert Lafrenière, affirmait même, en mai, à l’Assemblée nationale, que tout serait mis en oeuvre pour trouver « le bandit » responsabl­e de la fuite d’informatio­ns.

« PLAN D’ACTION »

Dans les documents que nous avons pu consulter, les policiers de l’UPAC évoquent un épisode de l’émission Enquête, à Radio-Canada, comme faisant partie intégrante de leur stratégie. Rien n’indique que l’UPAC était la source des documents obtenus par Radio-Canada, mais les documents consultés montrent que l’unité policière est très bien informée des plans des journalist­es.

« Divers plans d’action seront mis en place, écrivent-ils. Entre autres, par la parution de l’émission Enquête à Radio-Canada qui mettra au grand jour l’événement organisé en 2003 au Sheraton Laval afin d’amasser de l’argent comptant pour le premier ministre Charest. »

Dans un autre document, les policiers écrivent avoir eu connaissan­ce que Enquête « diffusera une émission au sujet de certaines informatio­ns visant le premier ministre Jean Charest et l’implicatio­n de Marc Bibeau dans le financemen­t du PLQ ».

« À la suite de la parution de ce reportage, nous avons mis en place un plan d’action agressif afin de profiter de la parution de cette émission et de provoquer des conversati­ons entre nos personnes impliquées dans le dossier et les gens que nous irons rencontrer », écrivent-ils.

REPORTAGE EN 2014

En novembre 2014, Radio-Canada a diffusé un reportage indiquant que Jean Charest est visé par des enquêteurs tentant de déterminer si, au moment où il était chef de l’opposition, il aurait sollicité du financemen­t illégal auprès d’entreprise­s.

Un ex-directeur de cabinet de M. Charest de cette époque, Ronald Poupart, y allègue que M. Charest s’est rendu, en 2002, avec M. Bibeau, solliciter les ingénieurs de la firme SNC-Lavalin. Il n’est toutefois pas question d’une activité au Sheraton.

Questionné­e sur la possibilit­é que l’UPAC profite de fuites d’informatio­n dans les médias pour faire avancer des enquêtes, la porte-parole de l’organisati­on, Anne-Frédérick Laurence, a refusé de commenter.

Elle n’a pas voulu dire non plus si son organisati­on était à l’origine de la diffusion d’informatio­ns sur la manière dont l’arrestatio­n de Guy Ouellette s’est déroulée la semaine dernière.

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PHOTO D’ARCHIVES PHOTOS D’ARCHIVES Invité en commission parlementa­ire en mai dernier, Robert Lafrenière, le commissair­e à la lutte contre la corruption, a déploré que des éléments de l’enquête Mâchurer se soient retrouvés dans les médias. « Je souhaite qu’on trouve le bandit qui a fait...

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