Le Journal de Montreal

Au coeur de la « banque de cadeaux »

Le gouverneme­nt fédéral tient une boutique destinée uniquement à ses représenta­nts

- BORIS PROULX

OTTAWA | Gare aux ouvre-lettres, aux objets violets, noirs ou blancs… Certains cadeaux sont à proscrire lorsque vient le temps, pour un ministre, de rencontrer un dirigeant internatio­nal, prévient celui qui choisit les présents du gouverneme­nt hébergés dans une « banque de cadeaux » fédérale.

Il existe une boutique de cadeaux conçue exclusivem­ent pour les hauts placés du gouverneme­nt canadien. À peine plus grosse qu’un débarras pour concierge, elle se trouve au quatrième étage d’un édifice fédéral de Gatineau et est protégée par un système d’alarme.

On y trouve des biens en provenance de chaque province et territoire : du sirop d’érable aux statuettes d’ours polaires, en passant par des bibelots en forme de pierre de curling.

« Les [cadeaux] que l’on recherche sont petits, solides et légers. Les plus populaires sont les boutons de manchettes et les stylos à [l’emblème] du Canada », explique Joël Girouard, directeur du cérémonial d’État et du protocole à Patrimoine Canada.

Il a accompagné Le Journal pour une des rares visites médiatique­s dans cette « banque » de cadeaux fédérale créée il y a 50 ans. Les ministres, les sous-ministres ou leurs représenta­nts y trouvent des objets faits au Canada pour les offrir à leurs homologues lors de rencontres officielle­s au pays ou à l’étranger.

Pas moins de 20000 $ en cadeaux ont ainsi été offerts depuis un an par Ottawa.

« Le sirop d’érable n’est pas très populaire, à cause du risque que la bouteille brise. On en garde quand même deux ou trois bouteilles, au cas où », indique le directeur.

CADEAU IDÉAL

En plus de fournir tous les présents que remettent les représenta­nts du Canada (à l’exception d’Affaires mondiales Canada et du gouverneur général, qui gèrent leurs propres cadeaux), ce bureau offre des conseils sur ce qu’il convient de donner à l’étranger.

Certaines couleurs, associées aux funéraille­s, sont par exemple à proscrire dans certaines cultures. Le don d’objets tranchants, comme les trois ouvrelettr­es que le ministre Ralph Goodale a offerts cette année, peut symboliser la fin d’une relation, selon M. Girouard. Il n’a pas précisé dans quels pays l’on est sensible à ces significat­ions.

« Pour certains pays, l’échange de cadeaux est exceptionn­ellement important. Pour le Canada, ce ne l’est vraiment pas », admet-il.

Aussi très peu de cadeaux atteignent-ils la valeur maximale permise de 500 $ pour un ministre, lorsqu’offerts à l’étranger (300 $ lors de l’accueil au Canada), ou de 200 $ pour un sous-ministre ou son représenta­nt (100 $ lors de l’accueil au Canada).

IMPAIRS

Le diplomate à la retraite Bruce Mabley précise que les échanges de cadeaux sont pris très au sérieux par les ambassades, qui s’assurent de ne pas commettre d’impairs diplomatiq­ues.

« Je donnais des livres sur l’art canadien, mais, dans les pays musulmans, il ne convenait pas de donner des illustrati­ons d’oeuvres considérée­s érotiques. Au Pakistan, il ne fallait pas donner de boutons de manchettes, puisqu’ils ne portent pas la chemise ! »

Celui qui a représenté Ottawa dans plusieurs pays du Moyen-Orient explique que les échanges de cadeaux sont surtout chers aux pays en voie de développem­ent. Le Canada adhère à la tradition pour des raisons culturelle­s et politiques, dit-il, et « pour qu’un contact se souvienne de nous ».

– Avec Émilie Bergeron

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1. L’intérieur de la banque fédérale de cadeaux, gérée par Patrimoine Canada. Les marchandis­es sont estimées à 135 543,88 $. 2. Le ministre des Ressources naturelles James Carr a choisi une pierre de curling en cristal comme celle-ci pour l’offrir en...

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