Le Journal de Montreal

Le loup dans la bergerie

- Isabelle.marechal @quebecorme­dia.com

Dans le coeur de nombreuses victimes, les récentes dénonciati­ons sexuelles ont déterré de tristes souvenirs qu’elles croyaient à jamais enfouis. Je ne parle pas de femmes ou d’hommes agressés par des patrons, collègues ou autres personnes en autorité. Je parle des victimes d’inceste. Complèteme­nt chavirées par cette déferlante de témoignage­s, certaines m’ont écrit parce qu’elles hésitent encore à parler de leur propre agression. « Mon père est encore vivant », « Ma famille ne me le pardonnera­it pas », « J’ai osé en parler et on m’a traitée de menteuse », « Le chum de ma mère dit qu’il la tuerait si je parlais. »

INCESTE À LA MAISON

C’est un fait dont on n’aime guère se vanter : dans nos bonnes familles québécoise­s, l’agression sexuelle a été plus que tolérée, elle a été normalisée. On a fait croire à des milliers d’enfants qu’ils devaient faire ce qu’on attendait d’eux, frêles objets sexuels aux mains d’ignobles adultes. L’inceste, que l’Église présentait pourtant comme péché, a été couvé par des prêtres et curés qui ne se sont pas gênés eux-mêmes pour ne faire qu’une bouchée d’enfants sans défense.

Ce ne sont pas les statistiqu­es qui manquent pour nous convaincre que le problème est encore très actuel. Selon les centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS), 76 % des demandes d’aide sont liées à l’inceste ou à une agression sexuelle subie dans l’enfance. Quarante pour cent des agressions sexuelles se passent au domicile familial. Le prédateur est un proche, père, beau-père ou autre personne de confiance qui n’hésite pas à souiller l’enfance de sa jeune victime.

POURQUOI CE SILENCE ?

Parce que le poids de la honte est trop lourd. Parce que la culpabilit­é et la peur cloîtrent les victimes. Certaines vivent dans un trou noir toute leur vie. De toute façon, vers qui se tourner pour dénoncer ? La jeune Léa s’est ouverte à son modèle, Lise Payette. Elle s’est fait dire de se taire. « Et signe ici, ma belle, pour couler à jamais ta version des faits dans la fosse abyssale de notre indifféren­ce. »

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