Défense du juge Braun
Le juge Jean-Paul Braun, qui a condamné un chauffeur de taxi pour agression sexuelle sur une jeune fille de 17 ans, a été transformé la semaine dernière en agresseur lui-même. Il a eu la malencontreuse idée de faire devant l’avocat de la défense et la procureure de la Couronne des remarques d’une légèreté déplacée sur le physique de la victime. En dehors du procès, mais le mal était fait.
Hélas, dans le contexte des affaires Rozon, Salvail, Venne et compagnie, la publication de ses propos a mis le feu aux poudres. Et voici que l’homme au comportement professionnel sans tache depuis 45 ans est lapidé sur la place publique.
Cependant, quand on lit le jugement de Jean-Paul Braun, on découvre une pièce d’anthologie en matière d’agression sexuelle. Avec un style élégant et une sensibilité exceptionnelle, le juge décrit à la fois la personnalité de l’accusé et celle de la victime. Toute femme qui se présenterait devant le tribunal à la suite d’une agression sexuelle souhaiterait témoigner devant un juge pareil.
TÉMOIGNAGE FIABLE
Le juge Braun écrit que la jeune fille a été élevée dans un milieu religieux très strict et qu’elle suivait un traitement pour l’anxiété : « Le tribunal, en la voyant témoigner, la croit et trouve son témoignage fiable. » De plus, le juge retient qu’elle est sans expérience sexuelle et qu’elle a été charmée au début par son agresseur. « Elle a probablement consenti à ce qu’il s’approche d’elle. Mais l’agresseur est allé trop loin et la victime a gelé, elle a eu peur. »
Le juge écrit aussi que la sexualité d’une jeune fille de 17 ans et celle d’un homme de 50 ans ne sont pas les mêmes. Cette jeune fille de 17 ans « ne s’attend pas à ce que, lors d’une première rencontre, on l’embrasse avec la langue, qu’on lui attrape les seins, qu’on mette la main dans ses fesses ».
Il n’y a pas un consentement, affirme le juge, et s’il reconnaît que le tribunal n’est pas convaincu qu’elle n’a pas consenti à un baiser, il est cependant convaincu qu’elle a exprimé par des gestes et des paroles qu’elle ne consentait pas à ce que son agresseur aille plus loin. « Ce dernier n’a rien fait pour s’assurer que la jeune fille aimait ce qu’il lui faisait », écrit-il. « Bien au contraire. »
CONSENTEMENT
À l’évidence, le juge Braun définit avec sagesse la fameuse notion de consentement qui, dans d’autres causes similaires, a été interprétée plutôt au désavantage des victimes. Ce qui, d’ailleurs, explique aussi les craintes des femmes de poursuivre leurs agresseurs devant les tribunaux.
Allons-nous vivre dans une société où, dans une situation professionnelle, nous devrons pratiquer une rectitude politique faite de contraintes et d’hypocrisies ? Oui, dans les milieux de travail, nous parlons avec exagération, outrance et parfois vulgarité ou mauvais goût.
Le juge Braun a signé un jugement remarquable, qui démontre aussi sa compréhension de la psychologie féminine. Son erreur était d’avoir parlé pour parler devant ses collègues, avec des mots devenus tabous.