Le Journal de Montreal

Mon drapeau en berne

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Hier, cela faisait exactement 30 ans que nous quittait René Lévesque, lui qui a cru si fort que nous pouvions être « quelque chose comme un grand peuple ».

Avant-hier, Richard Martineau citait un extrait d’une chanson des Cowboys fringants, l’un des groupes favoris de mon fils.

Les Cowboys chantent : « Si c’est ça, le Québec moderne, moi, je mets mon drapeau en berne… »

Comment leur donner tort ? Comment ne pas être accablé quand on songe à la grandeur de Lévesque, à son oeuvre inachevée, à ce que nous devenons ?

AVACHI

Tous les jours, le Québec perd du poids et de l’influence dans le Canada. Les fédéralist­es québécois l’acceptent en sifflotant.

Nous sommes le seul peuple dans l’histoire de l’humanité — je répète : le seul — qui, deux fois plutôt qu’une, a refusé de devenir souverain sans avoir besoin de prendre les armes pour y parvenir.

Il s’en est suivi un fléchissem­ent marqué de l’appui à la souveraine­té, particuliè­rement chez les jeunes.

Un fossé se creuse entre Montréal et le reste du Québec autour de la question de l’immigratio­n.

Une poignée d’immigrants revendique fièrement son rejet radical de nos valeurs, et il s’en trouve parmi nous pour justifier cela.

Une escouade chargée de lutter contre la corruption arrête des gens sans donner d’explicatio­ns, comme dans les régimes autoritair­es.

On se sert des progrès linguistiq­ues du français depuis 40 ans pour masquer les reculs depuis 10 ans.

De superbes entreprise­s québécoise­s sont achetées par des intérêts étrangers, et les Québécois sont encore moins riches que la moyenne canadienne.

La baisse du nombre de travailleu­rs freinera notre économie, et donc les revenus du gouverneme­nt, en même temps que les dépenses de santé grimperont, d’où l’étrangleme­nt financier.

Notre système de santé vit d’immenses problèmes malgré le dévouement du personnel et les multiples réformes.

Le ministère de l’Éducation a subtilemen­t modifié ses méthodes de calcul pour masquer la quantité tragique de décrocheur­s.

On doit porter un jugement très sévère sur deux des apprentiss­ages de base que doit inculquer l’école québécoise : lire et écrire.

L’état de nos routes se passe de commentair­es.

Sophie Durocher nous apprend qu’on a décerné un Félix — imaginez ce que Félix en aurait pensé — à un groupe de hip-hop dont l’une des chansons dit : « T’as suck un D au complet quand t’as dit qu’t’as faite un bon bread ».

ÉLAN

Il crève les yeux que les deux défaites référendai­res des souveraini­stes ont cassé l’élan vital du Québec français.

Certes, le Québec regorge de talents considérab­les, mais ils sont surtout mobilisés pour faire aboutir des projets personnels.

La souveraine­té n’aurait pas tout réglé, mais elle aurait changé les règles du jeu, transformé la minorité ethnique que nous sommes en majorité nationale, et insufflé une dose supplément­aire d’énergie et de fierté à chacun.

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« Si c’est ça, le Québec moderne, moi, je mets mon drapeau en berne… » René Lévesque
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