Le rêve d’un pays indépendant s’envole
DOSRIUS, Espagne | (AFP) Un mois après avoir affronté la police pour défendre le référendum d’autodétermination en Catalogne, le découragement gagne les habitants du petit village de Dosrius, face à l’évaporation en quelques jours de la « république » indépendante.
« Je me sens complètement impuissant. On a beaucoup travaillé, on a collaboré comme on a pu et finalement on se retrouve dans une situation pire qu’avant », résume Oscar Jansana, un agriculteur de 43 ans, devant sa maison où flotte un drapeau indépendantiste.
Le rêve d’une république indépendante s’est vite évanoui. Cinq heures après sa proclamation vendredi par le parlement catalan, le gouvernement espagnol adoptait des mesures pour mettre sous tutelle cette région du nord-est de l’Espagne. Lundi, l’administration était déjà sous le contrôle de cette dernière.
ENTRE BARCELONE ET BRUXELLES
Le gouvernement séparatiste, destitué, s’est divisé entre Barcelone et Bruxelles, où son chef de file Carles Puigdemont assure être toujours « le président légitime de Catalogne ».
« Ils ont emmené la république en Belgique et ici on se retrouve avec une vice-reine » plaisante, résignée, Susana Mora, évoquant la vice-présidente du gouvernement espagnol Soraya Saenz de Santamaria, désormais chargée de diriger la Catalogne.
Avec des dizaines de voisins, cette buraliste de 43 ans avait formé un bouclier humain le 1er octobre devant l’unique bureau électoral de ce village de 5000 habitants, niché dans des collines bordant la Méditerranée, au nord de Barcelone.
À l’heure du déjeuner, la garde civile a surgi et « est entrée sans ménagement, en mode militaire », raconte-t-elle. Pour confisquer le matériel électoral, les agents se sont frayé un chemin à coups de matraque, faisant plusieurs blessés, dont le maire.
« RETOUR À LA RÉALITÉ »
Comme Susana Mora, des milliers de Catalans se sont mobilisés ce jour-là pour protéger le déroulement de ce scrutin, interdit par Madrid, sur lequel s’est fondé le Parlement catalan pour annoncer la sécession.
Mais la jubilation ressentie vendredi par beaucoup d’indépendantistes s’est rapidement transformée en frustration.
« La vérité, c’est qu’on ne comprend pas vraiment ce qui se passe. Les gens sont très fâchés », explique la buraliste, tout en balayant le sol dans son commerce.
« Il y a du découragement », admet également Cristina Carbo, flânant près de l’église gothique du village.
« Cela fait longtemps qu’on se bat pour ça : on a manifesté, protesté, on a voté plusieurs fois... », explique-t-elle. « On a cru que c’était à portée de main, mais nous ne sommes pas assez forts face à un État qui a tout le pouvoir ».