Le Journal de Montreal

Une politisati­on à géométrie variable de la terreur

- PIERRE MARTIN @PMartin_UdeM

Aux États-Unis, octobre s’est ouvert sur un acte de terreur à Las Vegas et s’est conclu par un autre acte de terreur à New York. La différence entre les réactions du président Trump à ces deux événements en dit long.

Avant même que les enquêteurs aient pu ratisser la scène de l’attentat de mardi et esquisser un portrait sommaire du suspect, à la Maison-Blanche, on avait déjà sauté aux conclusion­s.

Comme à Nice, Berlin et Barcelone, un camion a été utilisé pour faucher des piétons et des cyclistes, tuant huit personnes et en blessant douze. C’est l’attentat le plus meurtrier dans la métropole américaine depuis le 11 septembre 2001.

DEUX VISAGES DE LA TERREUR

Le suspect d’origine ouzbèke, qui n’avait jamais éveillé les soupçons des policiers depuis son admission légale en 2010, aurait proclamé son adhésion à Daech et suivi les instructio­ns émises par l’organisati­on aux aspirants terroriste­s.

Ce genre de geste extraordin­airement difficile à détecter et à prévenir représente le nouveau visage du terrorisme islamiste et pose un défi énorme partout en Occident.

Aux États-Unis, toutefois, les actes de terreur motivés par l’idéologie, la haine ou la démence ont fait plus de victimes depuis 2001 que l’islamisme.

Après Charlottes­ville et Las Vegas, il y aurait aussi eu urgence d’agir. Et pourtant…

Immédiatem­ent après l’attentat de New York, le président a exigé un durcisseme­nt des critères d’admission des immigrants, un filtrage encore plus « extrême » aux frontières et une administra­tion plus expéditive et arbitraire de la justice.

Évidemment, ces paroles n’auront pas de portée réelle tant que ces directives — dont certaines pourraient être inconstitu­tionnelles — ne feront pas l’objet de règlements concrets. Qu’importe : il faut agir vite.

Ainsi, dès qu’on a su que le suspect avait bénéficié d’une « loterie » qui admet annuelleme­nt environ 50 000 immigrants sur une dizaine de millions de requérants, la Maison-Blanche a condamné ce programme en déclarant faussement que les candidats choisis ne sont pas soumis à un examen d’antécédent­s.

En fait, parmi les centaines de milliers de bénéficiai­res admis de ce programme, il serait le premier à être impliqué dans un acte terroriste.

UN CONTRASTE ÉVIDENT

L’empresseme­nt du président à exiger le resserreme­nt des programmes d’immigratio­n à la suite de cette tragédie présente un contraste évident avec ses réactions à l’attentat de Las Vegas, où un maniaque des armes à feu a tué 58 personnes et en a blessé plus de 500.

Après la pire fusillade de l’histoire des États-Unis, Trump insistait pour qu’il ne faille surtout pas parler de contrôle des armes à feu. Un mois plus tard, rien n’a changé.

Pourtant, quelques heures à peine après le drame de New York, le président multipliai­t les demandes d’actions, en pesant sur tous les boutons d’activation de sa base partisane.

Bref, quand un drame confirme les préjugés de Trump et de ses partisans, il y a urgence d’agir. Sinon, les prières suffisent.

Après Charlottes­ville et Las Vegas, il y aurait aussi eu urgence d’agir.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada