Le Journal de Montreal

Le dauphin fâché

- JOSÉE LEGAULT josee.legault@quebecorme­dia.com

L’arrestatio­n du député libéral Guy Ouellette par l’Unité permanente anticorrup­tion est une bombe à fragmentat­ion dont les ravages ne font que commencer. Elle éclabousse l’UPAC, l’Autorité des marchés financiers ( AMF) et le gouverneme­nt libéral. Elle ébranle aussi le leadership déjà fragile de Philippe Couillard.

Chez les libéraux, la dissidence spectacula­ire du ministre vedette Pierre Moreau fait mal. En étant le seul élu à s’abstenir de voter pour une motion félicitant le président de l’Assemblée nationale pour sa défense des parlementa­ires contre les tactiques cavalières de l’UPAC, M. Moreau désobéit ouvertemen­t à son chef Philippe Couillard.

Pierre Moreau en putschiste ? C’est peu plausible. Qu’il place déjà ses billes pour l’ère post- Couillard est plus probable.

Deuxième en rang à la chefferie libérale de 2013, M. Moreau dément la rumeur voulant qu’il soit un « dauphin » fâché au bord de la mutinerie. Pierre Moreau en putschiste pressé ? C’est peu plausible. Qu’il place déjà ses billes pour l’ère post-Couillard est nettement plus probable.

DÉSAVEU

De toute manière, le vrai problème est ailleurs. Pierre Moreau s’est dissocié de tous les autres parlementa­ires sur la question cruciale de la défense de leurs droits. Que son geste constitue en même temps un désaveu du premier ministre en est l’inévitable conséquenc­e.

Le simple fait qu’il ait posé ce geste témoigne surtout d’un affaibliss­ement marqué de l’autorité morale de Philippe Couillard sur ses troupes. À moins d’un an du prochain scrutin, le premier ministre se console sûrement de la chute vertigineu­se du Parti québécois dans les sondages.

C’est pourtant du sort de son propre parti dont il devrait s’inquiéter. Le 28 octobre, un sondage Léger/ Le Devoir/Globe & Mail plaçait la CAQ en tête des intentions de vote. Chez les francophon­es, le parti de François Legault rafle 37 % d’appuis et les libéraux, 21 % seulement.

En descente continue, depuis l’élection de 2014, le PLQ a glissé de 42 à 29 % à travers le Québec. En plus de l’usure du pouvoir, des effets nocifs de l’austérité et de l’échec des réformes Barrette en santé, les fantômes de l’ère Charest continuent à miner son gouverneme­nt.

CRAINTIF

Happé par l’ « affaire » Guy Ouellette, M. Couillard peine à naviguer. Six longs jours de silence ont suivi l’arrestatio­n de son député sans accusation portée. Face à l’UPAC - censée enquêter sur le PLQ -, on sent le premier ministre surtout craintif.

Même quand certains de ses députés disent avoir peur d’être « suivis » par l’UPAC parce que des citoyens leur parlent d’irrégulari­tés possibles dans le processus d’accréditat­ion d’entreprise­s à l’AMF, M. Couillard leur dit d’aller s’en plaindre à la vérificatr­ice générale ou à la police. C’est surréalist­e.

Une telle timidité face à une crise évidente de confiance envers l’UPAC n’augure rien de bon pour la démocratie québécoise. Idem pour la dissidence de Pierre Moreau.

Communicat­eur redoutable et fin stratège, en se dissociant de ses pairs sur une question aussi vitale que la souveraine­té des parlementa­ires, cette fois- ci, le « dauphin » a erré sur le plan politique.

Face à ce qui sent l’abus de pouvoir de la part de l’UPAC, le moment était à la solidarité. Malheureus­ement, le « dauphin » n’était pas au rendez-vous.

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