Les électeurs ne sont pas idiots
Après les élections municipales de dimanche, tous les professionnels du commentaire veulent tirer des leçons. Okay, mais…
Les mêmes qui voient maintenant tous les signes avant-coureurs de la victoire de Valérie Plante aux dépens de Denis Coderre ne voyaient pas venir ce résultat il y a quelques semaines.
On dit que ces élections montrent que l’expérience ne compte plus et que la qualité du bilan importe peu. Les électeurs seraient des ingrats qui ne regardent que vers l’avant.
UN INSTANT
Il est vrai que M. Coderre avait un bilan honorable, mais qui n’a pas suffi. Mais un bon bilan a suffi à Laval et à Gatineau, où les maires sortants ne misaient pas sur leur charisme.
Nombre de maires avec de longues feuilles de route ont aussi été réélus, comme Régis Labeaume à Québec ou Yves Lévesque à Trois-Rivières.
On dit que les électeurs veulent du renouveau. Mais il y a eu des élus et des défaits de tous les âges.
On dit que les électeurs veulent du « positivisme ». Ils ne veulent plus des politiciens autoritaires et colériques, comme M. Coderre peut parfois l’être.
Si quelqu’un peut être « soupe au lait », c’est bien M. Labeaume.
Il faut donc se méfier avant de tirer des leçons. J’en vois cependant quatre.
Premièrement, la noto- riété n’a plus le poids de jadis. À l’ère des réseaux sociaux, un inconnu peut se faire un nom en quelques semaines.
Plus de gens peuvent nommer les exhibitionnistes très limités d’Oc
cupation double que les ministres du gouvernement Couillard.
Deuxièmement, le politicien « professionnel » – celui qui n’a fait que cela toute sa vie – est de plus en plus mal vu.
M. Labeaume est entré en politique relativement tard et était dans les affaires auparavant.
Quand M. Coderre rappelait ses 16 années comme député fédéral avant d’être maire, je ne suis pas sûr qu’il marquait des points.
SURPRISES
Troisièmement, mais ce n’est pas nouveau, un seul dossier mal géré peut occulter tout le reste du bilan.
Et cet arbre cachant toute la forêt n’a pas besoin d’être énorme : il y a de pires « scandales » que de ne pas avoir dévoilé rapidement le nombre de billets donnés gratuitement lors d’un événement qui n’a pas eu le succès escompté.
Quatrièmement, les électeurs magasinent jusqu’au dernier moment.
Mais à Montréal, rien de tout cela n’aurait compté sans l’efficacité de Mme Plante. À Québec, M. Labeaume avait ses failles, mais ses opposants n’ont jamais pu en tirer profit.
Le résultat est donc un cocktail subtil : il y a les failles du sortant, les qualités de l’opposant et la capacité (ou non) à coller à l’humeur du moment.
Au fond, les électeurs ne sont pas des idiots. Tout cela dessine cependant des arènes politiques de plus en plus imprévisibles.
Un seul dossier mal géré peut occulter tout le reste du bilan